En effet, sa valeur boursière a été multipliée par 13 entre 2010 (où l’action valait 27 $) et le 5 août 2015 (où l’action a atteint son sommet à 347.84 $). Pendant un bref moment durant l’été 2015, Valeant était même devenu la plus grosse entreprise au Canada. Avec ses 118 milliards de dollars de capitalisation, elle avait dépassé la Banque Royale du Canada qui détenait ce titre.
Son secret? Un modèle d’affaires ultra-simple pour une rentabilité mirobolante à court terme. D’abord, acheter d’autres compagnies pharmaceutiques en finançant leurs achats avec de la dette. Ensuite, couper dans les dépenses de ces entreprises (principalement la recherche et le développement) et augmenter de façon importante les prix des médicaments que ces entreprises vendent. Finalement, répéter les deux premières opérations de plus en plus souvent avec des entreprises de plus en plus grosses. Une recette simple pour devenir rapidement un géant.
Tant que ce modèle d’affaires ne reste connu que des investisseurs qui veulent en profiter, le manège peut continuer pendant quelques années. Il est par contre impossible d’arnaquer tout le monde tout le temps. Cette manière facile de faire de l’argent sera éventuellement reprise par quelqu’un qui ne sera pas discret. C’est à ce moment que le public sera mis au courant et que les politiciens réagiront face à ces pratiques commerciales immorales.
C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à Valeant à la fin septembre, lorsqu’un entrepreneur a imité sa pratique en multipliant par 50 le prix d’un médicament, ce qui a scandalisé le public. Rapidement, certains financiers ont alors observé que Valeant faisait la même chose. Les élus américains ont alors lancé une enquête sur les pratiques de Valeant. En une semaine, le titre de Valeant a perdu 25% de sa valeur, soit plus de 35 milliards de dollars.
Un modèle d’affaires comme celui de Valeant a besoin d’une croissance exponentielle pour fonctionner parce que le remboursement des dettes contractées est garanti par les revenus futurs de l’entreprise. Une crise importante comme celle qu’a récemment connue Valeant met en péril toute l’entreprise.
Pour éviter la faillite, il n’est pas rare que des entreprises ou des états, dans cette situation, choisissent d’avoir recours à la fraude. On peut penser à Enron ou à la Grèce, par exemple. Que ce soit vrai ou non, une simple rumeur de fraude aura alors un immense effet.
C’est ce qui est arrivé à Valeant le 21 octobre dernier. Citron Research, une firme spécialisée dans la spéculation sur les titres en baisse, a annoncé qu’elle voyait une fraude quant à une relation que Valeant a avec une autre entreprise, Philidor RX. Le titre de Valeant est alors tombé jusqu’à 117 $ avant de remonter. En moins de trois mois, la valeur de Valeant est passée de 120 milliards $ à 40 milliards $ .
Valeant n’est pas la seule entreprise basée sur un tel stratagème. Une bonne partie de notre économie dépend de dettes garanties par la croissance future. Alors que nous entrons potentiellement dans une période de stagnation prolongée de notre économie, il ne serait pas surprenant que nous découvrions qu’une bonne partie de notre richesse n’existe en fait que sur papier.