Les membres de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) exerçaient aujourd’hui leur droit de grève pour dénoncer l’abandon de l’école publique par le gouvernement libéral de Philippe Couillard.
Des milliers de personnes ont répondu à l’appel, dont Julie Drouin, enseignante à statut précaire membre de la FAE et mère de deux enfants. Rencontrée sur le quai du métro Beaubien alors qu’elle se dirigeait vers la manifestation, la jeune femme affirme être directement affectée par les coupures. Elle n’a pas obtenu de contrat d’enseignement dans une école elle et a dû se résoudre à faire de la suppléance, ce qui signifie notamment qu’elle n’accumulera pas d’ancienneté cette année alors qu’elle est sur une liste de priorité d’emploi depuis déjà cinq ans.
Accompagnée de ses enfants d’âge scolaire, Julie Drouin rejette la rhétorique moralisatrice du ministre de l’Éducation, François Blais. « On ne les prend pas en otage », affirme-t-elle en précisant qu’elle emmène ses enfants à la manifestation en portant à la fois un chapeau d’enseignante et de mère. Aujourd’hui, elle manifeste aux côtés des 34 000 membres de la FAE; demain, elle participera à une chaîne humaine dans le cadre du mouvement Je protège mon école publique. « C’est une génération qu’on sacrifie », s’indigne Julie Drouin, qui affirme être prête à maintenir la pression sur le gouvernement Couillard. « Il faut arrêter de faire des concessions », dit-elle avant de se mêler à la foule qui commence à s’assembler à la sortie du métro Square Victoria.
Défendre l’éducation publique
Une foule très dense est massée sur la « Place des Peuples », ainsi rebaptisée par le mouvement Occupons Montréal en 2011, tandis que le camion de son crache un vieux succès des Vilains Pingouins qui donne le ton à la manifestation. Aux nombreux syndicats régionaux de l’enseignement venus de partout au Québec se joignent des membres de la section montréalaise du Syndicat industriel des travailleurs et travailleuses (SITT) qui distribuent des tracts invitant d’ores et déjà le mouvement syndical à défier une éventuelle loi spéciale.
Encadrée par une faible présence policière et un modeste service d’ordre interne, la marche se met en branle. Le cortège, composé d’environ 25 000 personnes selon les organisateurs, s’étend sur près de deux kilomètres jusqu’au Square Dorchester. « Des manifestations géantes comme ça envoient un signal très clair au gouvernement », lance Leila Bensalem, enseignante nouvellement retraitée, un drapeau de l’Alliance de professeures et des professeurs de Montréal à la main.
« Les élèves sont très sensibles à ce qui se passe, insiste celle qui a enseigné pendant 24 ans à l’École secondaire Saint-Luc. Les jeunes sont beaucoup plus politisés qu’on le pense. » Cette affirmation se trouve confirmée par la présence, en queue de la manifestation, d’un contingent d’élèves marchant derrière la bannière Secondaire en colère et scandant des slogans avec ardeur.
Cette mobilisation intergénérationnelle et intersectorielle n’est pas sans rappeler la mobilisation des parents et des employés du secteur de la petite enfance l’an dernier. Simon Émard, qui vient d’obtenir sa permanence dans un CPE. Affilié à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), le travailleur de la petite enfance dit espérer que le front commun syndical des négociations du secteur public tiendra le coup, en particulier face à la menace d’une loi spéciale.
« Un vrai front commun, ça fait longtemps que ça ne s’est pas vu », souligne Simon Émard qui se réjouit cependant de voir les syndiqués fortement mobilisés au niveau de la base. « L’initiative locale est forte. Si la base dépasse les centrales, ça va pousser la mobilisation », analyse celui qui a fait ses armes durant la grève étudiante de 2005.
Un combat à poursuivre
« C’est à l’école publique que se dessine le Québec de demain », insiste le président de la FAE Sylvain Mallette. Pourtant, « les élèves souffrent depuis 10 ans des choix budgétaires des gouvernements qui se succèdent ». Les offres patronales présentées récemment n’entraîneront qu’une « généralisation de la précarité », affirme le syndicaliste.