En août 2014, le député de Haute-Gaspésie-La-Mitis-Matane-Matapédia abandonnait le Bloc québécois. En devenant député indépendant, Jean-François Fortin claquait la porte à la ligne de parti, en désaccord avec la «folklorisation» et la «radicalisation» de Mario Beaulieu, alors nouveau chef du Bloc. Au mois d’octobre de la même année, il lançait Forces et démocratie avec le député de Repentigny, Jean-François Larose, qui avait été élu sous la bannière du Nouveau parti démocratique (NPD).
«Mario Beaulieu a été un élément déclencheur», explique le chef de Forces et démocratie. Il précise également que le retour de Gilles Duceppe ne change rien. «La politique est déconnectée de la vie des gens. On applique mur à mur des politiques sans prendre en compte les réalités régionales. Près de 40% de la population ne vote plus, on doit se poser des questions.»
Cancer politique
Jean-François Fortin et son parti en ont contre les lignes de parti et considèrent que les communautés ne sont pas prises en considération. «La mécanique actuelle étouffe ceux et celles qui veulent défendre leur population. Ce sont des gens non élus qui décident des messages du parti et les députés doivent se plier à ce message. Un député ne peut pas parler sans l’autorisation de son parti.»
Le jeune chef avait d’ailleurs proposé un projet de loi permettant à tous les députés et députées de poser une question par semaine, à la Chambre des communes. Un projet de loi balayé par les partis, «même si j’ai eu des appuis de plusieurs députés de tous les partis», précise-t-il. Le droit au vote libre des députés, c’est-à-dire la possibilité d’être contre une position de son parti, est d’ailleurs au cœur de la plateforme de Forces et démocratie. «La ligne de parti tue la politique», affirme le politicien.
Toute cette mécanique politique, Jean-François Fortin admet qu’il faudra l’expliquer à la population. «Il y a une pédagogie à faire sur la démocratie et ça ne se fait pas avec des clips. Au-delà des slogans, il faut nourrir une véritable volonté de changer.»
Défendre les régions
Son ancien parti s’est toujours présenté comme le grand défenseur des régions, comme Forces et démocratie. «Le Bloc a toujours travaillé dans une dynamique d’opposition, coincé dans un paradoxe de ne pas vouloir faire fonctionner le fédéralisme. Pour moi, l’idéal est toujours l’indépendance du Québec, mais là, on doit faire avec, aussi bien en tirer le maximum.»
Son parti prône une décentralisation. Forces et démocratie souhaite, par exemple, que les régions puissent gérer leurs enveloppes budgétaires, avec des critères régionaux et non fédéraux. À contre-courant des politiques d’Ottawa et de Québec.
Un parti de coalition
Le jeune parti politique a beau être contre la ligne de parti, il doit quand même prendre position sur des enjeux qui, parfois, n’auront pas la même réception en Abibiti, en Gaspésie et à Montréal. «Un parti de coalition est un défi, oui. D’un autre côté, cette pluralité est notre force. On partage une valeur commune, la représentativité régionale et populaire.»
L’équipe de Jean-François Fortin mise sur la consultation. Chaque région donnera son avis et du bas vers le haut, le parti trouvera sa ligne. «On ne va se prononcer qu’avec des consensus majoritaires. On veut une démocratie participative.» Malgré ces consensus, rien n’empêcherait un député ou une députée de défendre publiquement une autre approche, assure le chef du parti.
Même s’il trouve que les chefs prennent trop de place, ironiquement, l’attention que reçoit son parti passe presque seulement par lui. «Ce n’est pas évident de ne pas laisser toute la place au chef. C’est une dynamique facile et rapide pour les médias.» Jean-François Fortin affirme que son parti laisse une grande liberté à ses candidats et candidates pour leur campagne locale. Notons toutefois que malgré ses demandes répétées, Ricochet n’a jamais réussi à rencontrer d’autres candidats de Forces et démocratie, qui en comptait 15 au moment de la rédaction.
Être ou ne pas être élu
En 2011, Jean-François Fortin était l’un des rares survivants de la déconfiture du Bloc québécois, alors que c’était sa première élection fédérale. Il avait auparavant été maire de Sainte-Flavie. «En 2011, j’avais fait ma campagne à ma manière, sans les lignes du parti. Je garde la même dynamique. Quand j’ai quitté le Bloc, j’ai eu des offres de tous les partis, des offres alléchantes, mais je n’ai pas quitté le Bloc pour des calculs politiques. Je me présente pour mes convictions et pour défendre ma région.»
Le député sortant de Haute-Gaspésie-La-Mitis-Matane-Matapédia fait valoir que son parti a présentement 5000 membres. «C’est plus que ce qu’avait le NPD au Québec avant la vague orange», dit-il. Il admet que le défi est grand et se montre prudent, ou réaliste, en n’évoquant aucun souhait précis sur les résultats du 19 octobre prochain. Il martèle le même message: son parti veut casser le moule politique actuel. «La force du parti est plus grande que moi ou qu’un élu, c’est une démarche.»