L’entente Baril-Moses, signée conjointement à la paix des braves en 2002, aménageait initialement les relations entre la Nation Crie et l’industrie forestière et minière. Elle accordait à la Nation Crie la préservation de lignes de trappes échappant à la juridiction des accords de la Baie-James. En 2010 cependant, le gouvernement provincial consent à des mesures contraires à l’accord. Une mise en demeure est déposée à l’endroit de l’entreprise forestière Resolute, première responsable, avec le gouvernement, de la violation de l’entente. En 2013, le Grand conseil des Cris (GCC) décide de poursuivre la province pour un montant totalisant 13 millions de dollars.
Le 13 juillet dernier, aux termes de six mois de pourparlers, le gouvernement du Québec et le GCC ont signé une entente mettant fin au litige les opposant. Si la résolution est saluée de part et d’autre par les officiels des gouvernements du Québec et de la Nation Crie, c’est un tout autre son de cloche que laisse entendre la communauté crie de Waswanipi. L’entente ouvre un projet de zone protégée de l’exploitation forestière et minière, développé par la communauté.
Le projet initial, qui longeait la vallée de la Broadback, couvrait initialement 12 800 kilomètres carrés de forêt vierge. L’entente entérinée en juillet, menace 80 % du projet. La communauté estime que c’est plus de 70 % des lignes de trappe de Waswanipi qui se trouvent désormais offertes à la coupe à blanc. Elle craint également que les tractations minières et forestières ne précarisent encore davantage ce dernier grand habitat pour le caribou forestier. L’habitat forestier intact que représente le territoire de l’entente est primordial pour la subsistance des ces animaux.
Outre son importance culturelle pour les cris, la vallée de la Broadback est également perçue comme centrale dans la lutte aux changements climatiques. Greenpeace, dans un récent billet portant sur la forêt boréale, en souligne l’importance; cette forêt de plus de 22 000 kilomètres carrés constitue l’une des plus grandes réserves de Carbonne au monde.
Quelques jours avant la signature de l’entente, une assemblée générale s’est tenue à Waswanipi pour informer la population. Au terme de la rencontre, la communauté a réaffirmé son intention de protéger le territoire. Tandis que le chef du conseil de bande de Waswanipi a annoncé son refus d’entériner la résolution, les chasseurs réunis sur place ont évoqué des moyens de pression plus radicaux. « Nous avons été témoins de la destruction de 90% de nos territoires ancestraux. Aujourd’hui, nous déclarons que le 10% encore intact doit demeurer vierge pour les générations à venir » a déclaré le chef du conseil de bande de Waswanipi, Marcel Happyjack, dans un communiqué de presse. « Waswanipi a la ferme intention de protéger le territoire » affirme Mandy Gull, adjointe au chef de Waswanipi.
Don Saganash, comme d’autres députés et membres de la communauté, a fait la route de Waswanipi à Québec afin d’en appeler de la décision de Matthew Coon-Come, grand chef de la Nation Crie, de signer l’entente. Comme d’autres, il s’est vu refuser l’accès aux tractations. « Mon chef a vendu ma terre », énonce le député. « Je me sens pris en otage par mon propre gouvernement. » M. Saganash a assisté, impuissant, à la signature de l’entente par Coon-Come et le premier ministre Philippe Couillard. « Ils ont signé sans le consentement de Waswanipi et ils refusent également que nous nous retirions de l’entente » ajoute-t-il.
Les Innus, inclus à priori dans l’entente, a eut tôt fait de quitter les négociations, prétextant que l’issue en était jouée d’avance. Les Innus accusent le gouvernement québécois et le GCC de « tractations en coulisses ». Ils estiment également que la résolution ampute les territoires ancestraux de 7 000 kilomètres carrés, territoires qu’ils n’on jamais consenti à céder ni aux Cris, ni à des fins d’exploitations par l’industrie.
Don Saganash se range du côté des Innus et comme eux, entrevoit le chemin des tribunaux comme seule issue à la situation. Il sait cependant que ce chemin est long et coûteux, mais qu’il est nécessaire d’aller jusqu’au bout. « Notre communauté, nos chasseurs, notre conseil de la Nation Crie, nos ONG alliées et la communauté scientifique s’accordent tous sur le fait que notre dernière grande forêt intacte a bien plus de valeur que ce que l’industrie peut en faire en en coupant les arbres, en en fragmentant les bois et en en détériorant la terre. Notre lien au territoire est au cœur de notre culture et nous sommes déterminés à protéger nos dernières forêts intactes », peut-on lire dans un communiqué de presse écrit par la communauté suite à la signature de l’entente.
La communauté Crie de Waswanipi a invité une délégation de journalistes cette semaine afin de faire entendre ses revendications par rapport à l’entente Baril-Moses.