Le recours à la grève sociale sera-t-il un moment permettant de rassembler les mouvements sociaux dans la lutte aux politiques du gouvernement libéral? Pour parvenir à ébranler le gouvernement et rassembler les citoyennes et citoyens, il faudra que ce conflit soit présenté pour ce qu’il est : une lutte pour une meilleure redistribution de la richesse au Québec.
État de la mobilisation
La négociation pour le renouvellement des conventions collectives des travailleuses et travailleurs du secteur public a débuté en octobre 2014 avec le dépôt des demandes syndicales. Depuis ce temps, des rencontres de négociation ont lieu et plusieurs actions de mobilisations se sont déroulées. De nombreux indicateurs permettent de comprendre qu’une part importante des travailleuses et travailleurs du secteur public sont prêts à livrer une bataille cruciale au gouvernement.
Il faut dire que le gouvernement n’a fait qu’attiser la grogne des travailleuses et travailleurs. En éducation, la demande patronale d’augmenter le ratio des élèves par classe a eu l’effet d’une bombe. En santé et services sociaux, les compressions budgétaires et l’adoption du projet de loi 10 ont semé une vive inquiétude.
Ce qui apparaît donc de plus en plus clair pour plusieurs c’est que cette négociation n’est pas uniquement l’occasion d’améliorer leurs conditions de travail, mais aussi de se battre pour la pérennité de nos services publics, pris dans l’étau de l’austérité.
Les alliances les plus larges
Les négociations du secteur public sont toujours des moments forts dans l’agenda des groupes progressistes. C’est que ces négociations touchent plus de 400 000 personnes et impliquent directement le gouvernement. Les groupes sociaux sont d’ailleurs engagés depuis plusieurs mois dans la dénonciation des mesures d’austérité imposées par le gouvernement Couillard.
Des signes encourageants indiquent que les rapprochements des derniers mois entre les groupes sociaux permettront d’opposer une force plus large pendant l’intensification de la lutte des travailleuses et travailleurs du secteur public. Un article paru sur Ricochet signale justement que le mouvement étudiant suit de près l’évolution des négociations et s’organise pour participer à la mobilisation.
Pour cela, il faudra par contre que le mouvement syndical travaille à rapprocher la lutte contre l’austérité de la négociation du secteur public. Dans ces deux luttes, il est question d’une remise en cause des politiques gouvernementales. Lutter pour de meilleurs salaires dans le secteur public et pour la pérennité de nos services publics, c’est aussi une façon de dénoncer l’austérité et de mettre de l’avant une autre vision de notre devenir collectif. Dès maintenant, il serait intéressant que ces groupes se rassemblent pour s’entendre sur une revendication sociale qui pourrait largement mobiliser les progressistes et ainsi élargir la mobilisation sociale.
Les inégalités sociales ; le noeud de la lutte
Reste donc à voir si cette négociation recevra l’appui d’une part importante des citoyennes et citoyens. Le risque est grand de tomber dans le piège que tendra nécessairement le gouvernement, soit celui de mettre en opposition les conditions de travail du personnel du secteur public avec celles des autres travailleuses et travailleurs. Cette stratégie a été utilisée plus d’une fois, pensons simplement à la récente lutte des retraites dans le milieu municipal, et avouons-le, est souvent couronnée de succès.
Il est pourtant possible de convaincre la population d’appuyer cette bataille fondamentale. Une victoire du Front commun permettrait de créer une brèche pour inverser le cours des choses et entraîner une meilleure redistribution de la richesse. La hausse des inégalités sociales est comprise par plusieurs comme un des enjeux les plus importants de notre temps. Pendant que la classe moyenne et les plus pauvres se sont appauvris au courant des décennies néolibérales, le 1% a vu ses revenus bondir considérablement.
Les travailleuses et travailleurs du secteur public font en majorité partie de la classe moyenne. Lorsqu’ils négocient de meilleurs salaires face à un gouvernement obnubilé par l’austérité, ils luttent pour une meilleure redistribution de la richesse qui profitera à terme à l’ensemble des travailleuses et travailleurs.
Il est donc absolument compréhensible de voir les milieux patronaux s’inquiéter face aux demandes syndicales et de tenter par tous les moyens de les présenter comme des demandes d’une autre époque. Ils se font par contre beaucoup moins bavards lorsque vient le temps de commenter la prime de départ de Thierry Vandal, les salaires des dirigeants de la Caisse de dépôt et placement ou ceux des PDG des grandes banques. C’est que la conscience de classe du 1% est particulièrement bien définie. Le 1% comprend très bien que cette négociation est une occasion en or pour la classe moyenne d’obtenir une victoire significative dans la lutte pour une meilleure redistribution de la richesse.
Le mouvement syndical devrait donc œuvrer à démontrer en quoi la négociation du secteur public est une lutte incontournable pour l’ensemble des travailleuses et travailleurs. Notre histoire nous enseigne qu’il est possible de le faire. Rappelons-nous le Front commun de 1972, alors que la négociation du secteur public était présentée comme un moyen d’améliorer les conditions salariales de tous les travailleuses et travailleurs.
Que nous soyons syndiqués ou non, du secteur public ou privé, nous avons tous intérêt, comme personne qui travaille, à ce que les travailleuses et travailleurs du secteur public parviennent à obtenir des augmentations salariales nécessaires. Non seulement parce que cela permettra de préserver nos services publics, qui peinent de plus en plus à retenir leur personnel, mais aussi et surtout parce que cela marquera un moment clé dans la lutte contre la hausse des inégalités sociales.
La question n’est donc pas celle de savoir s’il y aura un conflit social cet automne, mais bien de voir qui il opposera. La voie la plus prometteuse est certainement celle de faire de ce conflit un jalon majeur dans la lutte contre les inégalités sociales au Québec.