En entrevue, le chef du conseil de bande de Nutashkuan, Rodrigue Wapistan, conteste la mise en œuvre du projet de la Romaine. Celle-ci ne respecterait pas les ententes prises avec la communauté: «On a appris que 50% des territoires inondés ne seront pas déboisés. Ce qui fait que dans 10 ans, on va se ramasser avec du mercure dans les réservoirs à cause de la décomposition des arbres», explique-t-il. Pour l’instant, seul le réservoir numéro 2 a été inondé, et Hydro-Québec planifie toujours inonder les réservoirs 1, 3 et 4 de la même façon.
La présence de mercure dans les réservoirs sera dommageable pour les prochaines générations d’Innus: «Nous, on est des chasseurs et des pêcheurs. Quand nos jeunes vont aller pêcher dans 10-15 ans, ils vont s’empoisonner à force de manger le poisson de ces réservoirs-là», ajoute-t-il. Rodrigue Wapistan réclame une rencontre avec le premier ministre afin de régler la question: «Je veux parler à Philippe Couillard et je veux qu’on règle ça ici, à Havre-Saint-Pierre», dit-il.
L’entente Nanemessu-Nutashkuan, établie en 2008 entre Hydro-Québec et le conseil de bande de Nutashkuan, constituait le socle de l’acceptation du projet Romaine par les Innus de Nutashkuan. Entre autres, elle prévoyait le déboisement complet des réservoirs hydroélectriques. Les contrats de déboisement devaient être laissés aux Innus de Nutashkuan, ce qui n’est plus le cas étant donné la réduction de la superficie à déboiser.
Pour l’instant, le blocus est fort de l’appui des conseils de bande des neuf communautés innues. Le chef de la communauté d’Ekuanitshit et plusieurs membres de sa communauté étaient d’ailleurs sur les lieux pour appuyer le blocus. «Aujourd’hui, environ 100 personnes sont venues bloquer la route avec nous. On s’attend à ce qu’il y en ait pas mal plus jeudi. Ça va être notre grosse journée», affirme Rodrigue Wapistan. Des syndicalistes de la Côte-Nord sont également venus supporter le blocus. Ces derniers ont également tenu des blocages à trois endroits simultanément il y a quelques semaines.
Les Innus n’en sont pas à leur premier blocus concernant le projet de la Romaine: «En tant que chef, c’est le deuxième blocage que j’organise. Le premier était pour contester la construction d’un pont sur la rivière Nutashkuan. Sinon, à titre personnel, j’en suis à mon quatrième», réplique fièrement le chef Wapistan.
Les policiers de la Sûreté du Québec et de la sécurité industrielle d’Hydro-Québec sont présents sur les lieux depuis mercredi matin. Lorsqu’on demande au chef s’il a peur d’une opération policière, il répond: «Nous, on n’a pas peur. On est prêts, un point c’est tout. Je n’ai pas besoin de dire qu’on est là pour rester», assure Rodrigue Wapistan.