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Dans une nouvelle adresse à la nation dimanche, le premier ministre hellène a confirmé la tenu de la consultation populaire et annoncé des premières mesures de contrôle du capital afin d’éviter une panique bancaire. Les banques du pays seront en « congé » pour la semaine. Une limite de retrait quotidien de 60 euros est d’ailleurs déjà en vigueur et le sera jusqu’au 7 juillet, c’est-à-dire deux jours après le référendum en question. Parallèlement, le premier ministre grec s’est engagé à verser les retraites et les salaires comme à l’ordinaire. Seule bonne nouvelle pour le gouvernement Tsipras, la Banque centrale européenne (BCE), ne voulant pas porter à elle seule la responsabilité de l’effondrement du système bancaire grec, a décidé de maintenir (mais de ne pas augmenter) l’aide financière aux banques hellènes.

Ces récents développements ont provoqué l’apparition des premiers signes de panique au sein de la population grecque. Depuis le discours de samedi, des files d’attentes ont faites leur apparition devant les guichets automatiques et de plus en plus d’entre eux sont à cours de fond. La Grèce est sur le qui-vive.

Au moment d’écrire ces lignes, les créanciers réunis à Bruxelles refusent toujours d’accepter la seule demande de Tsipras, c’est-à-dire une prolongation temporaire du programme d’aide financière à la Grèce d’ici la tenue du référendum le 5 juillet, afin que celui-ci puisse se dérouler dans le calme. Dans son adresse à la nation de dimanche, le premier ministre a vivement condamné cette décision, la qualifiant de « négation du droit du peuple grec à en arriver à une décision démocratique ».

Tsipras joue le tout pour le tout

Le geste était-il prévu d’avance? Quoiqu’il en soit, personne ne peut maintenant soutenir que la Grèce a refusé de discuter. En déposant lundi dernier une offre controversée, qui aurait bien pu lui coûter le pouvoir tant elle contenait des concessions importantes, Tsipras a donné sa chance au processus de négociation. Les accusations de mauvaise foi ne tiennent plus. Le premier ministre hellène peut maintenant dire avec confiance qu’il est allé au bout du processus de négociation. À l’inverse, en refusant avec arrogance le compromis proposé par Athènes, les créanciers ont démontré, une fois de plus, leur parti-pris idéologique pour l’austérité et leur absence de souci démocratique.

En annonçant, en pleine nuit samedi, la tenue de ce référendum, Alexis Tsipras a donc fait une pierre deux coups : recréer l’unité dans son parti et mettre en lumière l’aveuglement idéologique des institutions et des puissants de l’Europe. Dans un discours fortement teinté par des références à la fierté nationale et à l’histoire du pays, il a appelé ses concitoyens à répondre à l’« ultimatum » des créanciers : « Face à ce chantage qui vise à vous faire accepter un programme d’austérité humiliant, infini et sans perspective de nous rétablir sur nos pieds, je vous appelle à vous prononcer en souveraineté et avec fierté ainsi que l’exige l’histoire fière des Grecs ». Le ton était donné.

Une défaite potentiellement coûteuse

Si le jeune leader de Syriza gagne son pari et que les Grecs rejettent démocratiquement l’entente « réformes contre argent frais » qu’il a arraché (de peine et de misère!) à ses créanciers, c’est l’Europe au complet qui tremblera. Un effet boule de neige n’est pas exclu puisqu’advenant un « Grexit », d’autres pays pris à la gorge pourraient, à moyen terme, décider de suivre l’exemple grec en optant pour la stratégie du « défaut et dévaluation ». Le gouvernement de Syriza, pourtant jeune et inexpérimenté, servirait alors une leçon de politique à l’Europe. Aujourd’hui accusé par le ministre allemand des Finances de « précipiter son pays dans un chaos dont il ne pourrait pas ressortir à court terme », il pourrait répliquer avec assurance qu’il agit en tant que mandataire de son peuple. Le face à face entre les puissances de l’argent et la volonté démocratique serait alors total.

À l’inverse, si les électeurs acceptent l’accord issu des négociations des dernières semaines, la légitimité du gouvernement Syriza en sera lourdement affectée. Une démission personnelle de Tsipras, voire une dissolution du Parlement, serait alors tout à fait possible. En appelant ce référendum, le gouvernement grec joue le tout pour le tout et quoiqu’il advienne, un chapitre important de l’histoire de l’Europe s’écrira le 5 juillet.

Des résultats imprévisibles

Dans les médias conservateurs de l’Europe, les commentateurs sont confiants que Tsipras perdra son pari. C’est une probabilité réelle. Deux sondages, publié dans les dernières heures, on fait des portraits différents de la situation. Dans un quotidien aligné à droite, ont annonçait une victoire du « Oui » à l’accord, à hauteur de 57%. Un quotidien identifié au centre-gauche prévoyait quant à lui un refus à 53%. De toute évidence, le suspense durera jusqu’à la fin.

Rencontré il y a quelques jours à Athènes, Antonis Mavromatos, jeune médecin et militant influent au sein de la gauche de Syriza, admettait être très inquiet, voire un peu fâché, de la direction prise par son parti. Joint à nouveau dans la capitale quelques heures après l’annonce du référendum, il confessait sa surprise et sa joie : « Je suis très content. La pression des créanciers était trop forte, insupportable même. Tsipras a décidé de la retourner contre eux. Ça, c’est de la vraie politique! ». Une prédiction? « Les Grecs vont dire non. À 60%! ».