Fin de manifestation taquine à Québec!

Comme un peu partout dans la province, Québec a connu un 1er mai plus mouvementé et plus revendicateur qu’à son habitude. Afin de manifester contre les mesures d’austérité du gouvernement Couillard, quelques centaines de marcheurs ont envahi les rues de la basse-ville. Si plus de la moitié de la foule s’est dispersée à la fin, plusieurs ont terminé le parcours par un sit-in, vers 20 h, à l’une des intersections clés de la capitale : le boulevard Charest et la rue de la Couronne. Deux des trajets d’autobus les plus achalandés ont été bloqués pendant près d’une demi-heure.

À la demande des policiers, vers 20 h 30, les manifestants restants, quelques dizaines, ont libéré la voie… pour occuper les trottoirs. Ceux-ci ont ensuite nargué les policiers en reprenant la rue à chaque feu pour piétons. Vers 21 h, bien que les policiers ne démontraient aucune pression malgré leur grand nombre, les manifestants ont eux-mêmes appelé à une dernière « traversée » et à leur dispersion. Le tout s’est déroulé dans la bonne humeur, les manifestants se donnant même des défis à chaque feu pour piétons (bouger au ralenti, à reculons, en imitant la poule). Plus tôt dans la journée, plusieurs autres activités ont eu lieu à Québec, à Sainte-Foy, dans le quartier St-Jean-Baptiste, dans le Vieux-Québec et sur la Colline parlementaire.

Manifestation du 1er mai à Québec
Mickaël Bergeron

Une aube mouvementée à Montréal

Dans la métropole, la journée a commencé très tôt, avec plusieurs groupes de la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics (Coalition Main Rouge) qui ont occupé le centre des affaires de Montréal, que ce soit en bloquant des chantiers de construction, la Chambre de commerce ou encore la tour de la Banque Nationale. Le tout s’est déroulé dans le calme, et les petits groupes sont ensuite allés rejoindre la manifestation nationale à 9 h 30, dont le départ se faisait au square Phillips sur la rue St-Catherine, pour se terminer au square Victoria dans le vieux Montréal. De nombreux groupes de tout horizon étaient présents afin de profiter de la journée internationale des travailleurs et des travailleuses pour dénoncer les mesures d’austérité du gouvernement Couillard, qui en touchent directement plus d’un.

Les maisons des jeunes, des groupes de femmes, de nombreux groupes communautaires et syndicaux ont ainsi uni leurs voix pour déferler dans les rues de Montréal.

Un groupe a décidé de continuer à marcher dans le Vieux Montréal jusqu’à l’UQAM, coin Berri et Maisonneuve, qui s’est tranquillement dispersé pour aller rejoindre d’autres actions dans la ville.

Si les manifestations de jour et les diverses activités ont été pacifiques, on ne peut en dire autant de la manifestation anti-capitaliste du soir, déclarée illégale dès son départ dans le centre-ville de Montréal. Les gaz lacrymogènes n’ont pas tardé à voler dans les airs, n’épargnant pas les familles avec de jeunes enfants présentes sur les lieux. Plus de 85 personnes ont été arrêtées, avec une trentaine d’accusations criminelles dans le lot.

Les suites

Pour Sébastien Rivard, coordonnateur du Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal (RIOCM), la mobilisation est essentielle, et ne doit pas s’arrêter au 1er mai. « Ça fait plusieurs mois que nous nous organisons pour cette journée, mais qu’on dénonce aussi ce qu’il se passe. Et nous ne nous arrêterons pas là. Nous espérons que les centrales syndicales seront un peu plus actives, et répondront à l’appel d’une mobilisation plus large cet automne, afin que le gouvernement Couillard entende nos revendications », déclare-t-il.

Manifestation du 1er mai à Québec
Mickaël Bergeron

Défier l’autorité pour l’austérité

Les professeurs, appelés eux aussi à une grève sociale d’une journée pour le 1er mai, ont eu une bien mauvaise surprise quelques heures avant le jour J. La Commission des relations de travail (CRT) a émis, la veille de la journée de débrayage prévue, une ordonnance rendant illégale une grève des enseignants des cégeps, menaçant d’émettre des amendes salées à ceux et celles qui enfreindraient cette loi accordée par Québec.

Malgré tout, une dizaine de syndicats d’enseignants ont décidé de manifester malgré l’ordonnance. C’est le cas du cégep de St-Jérôme, dont Marianne Di Croce, professeure de philosophie et vice-présidente des syndicats des professeurs de l’institution, fait partie.

Les enseignants et enseignantes réunis à l’extérieur du cégep tôt le matin ont décidé de maintenir leur mandat de grève sociale, puisque les conditions dans lesquelles le mandat avait été adopté étaient toujours présentes, ce qui témoigne de leur colère face aux mesures d’austérité du gouvernement. » Elle ajoute que bien que la grève sociale ne soit pas prévue au Code du travail, les enseignant-es ont choisi d’exercer ce droit en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.

Après une ligne de piquetage, la direction du cégep a pris la décision de lever les cours pour la journée. Selon la professeure engagée, « Ce fut une belle expérience de mobilisation. Cette journée nous a permis de nous découvrir une capacité à agir collectivement et à se montrer solidaires d’autres groupes de la société. C’est encourageant pour les autres luttes qui nous attendent prochainement, comme les possibles conséquences de cette journée de grève et les négociations de conventions collectives à l’automne. »

Dans le vent des manifestations contre l’austérité qui ont lieu au Québec depuis l’automne et de la grève étudiante de ce printemps, le 1er mai n’était qu’une continuation naturelle de la mobilisation sociale en cours.

Manifestation du 1er mai à Québec
Mickaël Bergeron

Où sont les syndicats?

Les centrales syndicales restent cependant bien lente à enjoindre le pas, que ce soit pour appuyer les étudiants, leurs professeurs en grève ou le mouvement social global. Outre les propos malheureux de Jacques Létourneau, président de la CSN, peu d’appuis officiels et médiatiques aux luttes du printemps. Bien que le renouvellement des conventions collectives du secteur public doit prendre temps et énergie, et qu’on promette un « automne chaud » (comme on l’avait fait pour le printemps, d’ailleurs), reste à savoir si les syndicats seront véritablement présents. Leurs forces organisationnelles sont bien utiles quand vient le temps de se lever. Sera-t-il possible de le faire sans eux, et sortiront-ils de l’ombre d’ici là?