De cette naissance, l’UQÀM a gardé une tradition militante jamais démentie. Les étudiants et étudiantes, des citoyens et citoyennes à part entière, se sont mobilisés pour des enjeux dépassant les murs de l’université ou se limitant au monde de l’éducation (solidarité avec les grévistes du Front commun de 1972, opposition au coup d’État au Chili en 1973, lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud). Déjà en 2012, une opposition à la hausse des frais de scolarité s’est transformée en une lutte contre la marchandisation de l’éducation et les politiques néolibérales. En se mobilisant contre les politiques d’austérité et le tout-au-pétrole qui les complète, les étudiants et étudiantes actuels poursuivent cette tradition. En niant la collégialité (suspension, notamment, du comité de la vie étudiante) et en recourant à l’appareil judiciaire et aux forces policières, l’administration manifeste pour sa part son intention d’en finir avec une UQÀM socialement engagée.

Le virage que cette administration fait prendre à l’UQÀM, virage austère et autoritaire — en un mot : austéritaire —, a des ramifications plus redoutables encore. Elles touchent l’une des fonctions fondamentales de l’éducation supérieure. L’université n’est pas qu’une école professionnelle. Elle a aussi comme mission de donner le souci du monde et de former des citoyens et citoyennes critiques en prise sur la réalité. On ne saurait affirmer cela sans en tirer toutes les conséquences concrètes. L’école n’est pas un lieu neutre isolé du reste de la société. C’est un cadre où se développent aussi bien des capacités de penser le monde que des capacités d’intervenir et d’agir au sein de ce monde. C’est ainsi que l’éducation peut être véritablement émancipatrice. Que des étudiants et étudiantes s’approprient des savoirs critiques et des pratiques sociales — et pas seulement individuelles, voire individualistes — est en ce sens parfaitement conséquent avec le sens profond d’une éducation libératrice.

Le militantisme étudiant n’est pas seulement formateur, autant qu’une simulation des Nations Unies, un stage à l’Assemblée nationale, un stage dans un organisme communautaire, un cabinet d’avocats ou un bureau d’ingénieur : il est le prolongement pratique d’une formation capable de questionner les schèmes dominants de la pensée et de la représentation du monde commun. Ce sont les conséquences concrètes de cette fonction critique que ne tolère manifestement pas une administration qui a pris divers moyens pour briser un mouvement collectif découlant de décisions prises collectivement. Cela nous inquiète sérieusement.

On accuse les grévistes de nuire à « l’image » de l’UQÀM. Or, ce qui lui fait le plus mal, c’est sans conteste cette administration autoritaire. Face à la confiscation de l’institution par sa seule direction et à la négation par les gestes de cette direction de l’idée même de communauté universitaire, nous affirmons que nous sommes :

contre l’université autoritaire qui, au nom de la légalité, brime le droit de la communauté universitaire, à commencer par les étudiants et étudiantes, à intervenir sur les enjeux la concernant directement ou indirectement ;

contre l’université qui orchestre des expulsions « exemplaires » d’étudiants impliqués dans les luttes (le ministre Blais, qui suggérait d’en faire deux trois par jour pour « donner l’exemple », a bien compris la logique de ces expulsions) ;

contre l’université qui a recours aux injonctions pour rendre inopérants les votes de grève pris en assemblée ;
contre l’université qui investit davantage dans les dispositifs de surveillance que dans l’enseignement et la communauté universitaire ;

contre l’université qui somme le corps professoral de donner les cours même dans des salles vides, niant la relation pédagogique ;

contre l’université qui conçoit l’enseignement sur le mode de la machine distributrice ;

contre l’université qui conçoit le monde étudiant comme une clientèle ;

contre l’université qui se conçoit comme une entreprise soumise à la logique de la productivité, du profit et de l’image de marque (le branding) ;

contre l’université qui considère l’administration comme l’unique possesseur de l’université, au détriment de la communauté universitaire (professeur-e-s, chargé-e-s de cours, étudiant-e-s, employé-e-s) ;

Nous soutenons le droit à la grève des étudiants et étudiantes et nous refusons le paternalisme qui souhaite les restreindre à ne s’inquiéter que du sort de l’éducation.

Nous exigeons :

  1. l’arrêt immédiat des procédures disciplinaires à l’endroit des militants et militantes visés avant la grève ;
  2. la levée des sanctions et accusations frappant les étudiants et étudiantes arrêtés depuis le début de la grève ;
  3. la cessation de l’utilisation de tout corps policier, d’organismes privés de sécurité ou de l’utilisation de caméras de surveillance à l’intérieur du campus ;
  4. le maintien de la liberté d’action politique à l’UQÀM, telle que garantie par les chartes de droits.

Nous invitons enfin toute organisation (syndicale, communautaire, militante, etc.) à adopter une position semblable et à la faire valoir.

Co-signataires (en date du 24 avril 2015)

Diane Lamoureux, professeure, Université Laval
Martin Jalbert, professeur, cégep Marie-Victorin
Suzanne Beth, chargée de cours, Université de Montréal
Michel Lacroix, professeur, UQÀM
Anne Lardeux, chargée de cours, Université de Montréal
Joan Sénéchal, professeur, collège d’Ahuntsic
Frédérique Bernier, professeure, cégep de Saint-Laurent
Stéphane Thellen, professeur, Cégep du Vieux Montréal
Sophie Castonguay, chargée de cours, UQÀM
Benoit Tellier, professeur, cégep de Saint-Jérôme
Anne Bérubé, professeure, cégep du Vieux Montréal
A. Hadi Qaderi, professeur et étudiant, UQÀM
Diane Gendron, professeure, Collège de Maisonneuve
Julien Villeneuve, professeur, Collège de Maisonneuve
Isabelle Larrivée, professeure, Collège de Rosemont
Philippe de Grosbois, professeur, Collège Ahuntsic
Edith Martel, professeure, Cégep de Saint-Jérôme
Francis Lagacé, chargé de cours retraité
Isabelle Baez, chargée de cours, UQÀM
Jean-Marc Piotte, professeur émérite, UQÀM
Anne Marie Miller, professeure, cégep du Vieux Montréal
Julien Lefort-Favreau, Université de Toronto
La Table des groupes de femmes de Montréal
Gilles Parent, professeur, Cégep de l’Outaouais
Sandrine Ricci, chargée de cours, UQÀM
Ted Rutland, professeur, Université Concordia
Murielle Chapuis, professeure, Collège Lionel-Groulx
28.Jean-François Hamel, professeur, UQÀM
Isabelle Pontbriand, professeure, Collège Lionel-Groulx
Marcos Ancelovici, professeur, UQÀM
Anne-Marie Le Saux, professeure, Collège de Maisonneuve
Mouloud Idir, chercheur associé, CÉDIM, UQÀM
Anick St-Louis, professeure, Collège de Rosemont
Dominic Arsenault, professeur, Université de Montréal
Audrey Laurin-Lamothe, doctorante, UQÀM
Paul Eid, professeur, UQÀM
Mary Ellen Davis, chargée de cours, Université Concordia
Michel Ratté, chargé de cours, UQÀM
Jawaher Chourou, chargée de cours, UQÀM
Sylvano Santini, professeur, UQÀM
Martine Delvaux, professeure, UQÀM
Michel Milot, professeur, Collège Lionel-Groulx
Grégoire Manouchian, étudiant, Université de Montréal
Carolle Mathieu, présidente, l’R des centres de femmes du Québec
Ricardo Peñafiel, professeur, UQÀM
Linda Guerry, Collectif éducation sans frontières
Maxence L.Valade, étudiant, UQÀM
Sylvie Béland, professeure, Collège de Valleyfield
Valérie Lefebvre-Faucher, éditrice, Éditions du Remue-ménage
Kamel Khalifa, professeur, Université Concordia
Sonia Gauthier, professeure, Université de Montréal
Leila Celis, professeure, UQÀM
Steve McKay, professeur, Cégep de Sherbrooke
Émilie Cantin, professeure, cégep Marie-Victorin
Claude Vaillancourt, professeur, Collège André-Grasset
Geneviève Pagé, professeure, UQÀM
Erik Bordeleau, postdoctorant, Université Concordia
Marie Josée Lévesque, professeure, Cégep Gérald-Godin
René Lapierre, professeur, UQÀM
Elsa Galerand, professeure, UQÀM
Thomas Dussert, professeur, cégep d’Ahuntsic
Dominique Damant, professeure, Université de Montréal
Simon Chavarie, professeur, Cégep de Saint-Jérôme
Anne Latendresse, professeure, UQÀM
Jacques Pelletier, professeur, UQÀM
Martine-Emmanuelle Lapointe, professeure, Université de Montréal
Charles Reiss, professeur, Université Concordia
Anne-Marie Pepin, professeure, cégep Marie-Victorin
Sébastien Caquard, professeur, Université Concordia
Sima Aprahamian, chercheure associée, Université Concordia
Alain Gerbier, chargé de cours, UQÀM
Christine York, professeure, Université Concordia
Philippe Langlois, professeur, Cégep de Sherbrooke
Frances Ravensbergen, professeure, Université Concordia
Norman Nawrocki, professeur, Université Concordia
Marie-Ève Charron, chargée de cours, UQÀM
Yves Amyot, chargé de cours,UQÀM
Annie Lalancette, chargée de cours, Université Concordia
Dominique Peschard, président de la Ligue des droits et libertés
Rachel Bédard, éditrice, Éditions du Remue-ménage
Ian Boyd, producteur, les Films de l’Isle
Sophie Vallée-Desbiens, professeure, cégep du Vieux Montréal
Sébastien Bage, professeur,Cégep Édouard-Montpetit
Émy Roy-Paradis, professeure, cégep Marie-Victorin
James Freeman, professeur, Université Concordia
Céline Demers, professeure, cégep du Vieux Montréal
Christian Brouillard, professeur, Cégep de Drummondville
Marie-Laurence Poirel, professeure, Université de Montréal
Marc-André Houle, chargé de cours, UQÀM
Margie Bertrand, professeure, cégep du Vieux Montréal
Louis Jacob, professeur, UQÀM
Gamine Gagnon, professeure, Cégep de Saint-Jérôme
Daniel Letendre, chargé de cours, UQÀM
Laurence Bherer, professeure, Université de Montréal
Claude Blais, chargé de cours, Université de Montréal
Norma Rantisi, professeure, Université Concordia
Pierre Robert, professeur, Collège Lionel-Groulx
Anne Migner-Laurin, éditrice, Éditions du Remue-ménage
Gilles Gagné, professeur, Université Laval
Magali Uhl, professeure, UQÀM