Loin de moi l’idée de nier les faits rapportés par la lettre : oui, par le biais de plusieurs organismes et de compagnies, PKP a financé les arts d’ici (le projet Éléphant – mémoire du cinéma québécois, d’ailleurs, est d’une grande pertinence pour la préservation de notre cinéma). Mais il faut plutôt étudier les conditions de possibilité mêmes d’un tel mécénat, car elles non plus ne sont pas innocentes : le mécénat dépend de conditions économiques précises et relève d’une certaine conception du rôle de l’État.
Tout d’abord, il n’existe aucune contradiction entre le mécénat et les politiques économiques de droite : on peut très bien vouloir privatiser le système de santé, réduire l’aide sociale et être à la fois un « bienfaiteur des arts ». En fait, la vision même d’un financement des arts par la voie de riches donateurs est tout à fait en phase avec l’idée que l’État doit occuper une place aussi petite que possible dans la vie des individus et l’activité d’une société. Une telle conception fait donc de l’individu, et non de la collectivité, le gardien de la culture.
Donc, si l’État cesse de financer les arts par des programmes publics de subvention, les mécènes viendront combler ce manque. Ainsi, on peut conclure qu’il y aurait même un incitatif pour l’État à réduire la charge fiscale des grandes fortunes : en payant moins de taxes et impôts, les plus riches pourront davantage « contribuer au rayonnement de la culture ». En fait, de tels incitatifs existent aussi du côté des crédits d’impôt. À mesure que baissent les sommes allouées au soutien à la culture, à mesure que l’on fusionne (ou tente de fusionner) les organismes tels que la Cinémathèque et la Grande bibliothèque (BANQ), qui sont dédiés à la diffusion culturelle, ces allègements fiscaux demeurent.
Or, je le disais, le mécénat est affaire d’individus. Grâce à sa fortune personnelle, PKP est sa propre condition de possibilité en tant que mécène. Ayant hérité de l’empire de son père, qu’il a consolidé par l’achat de Vidéotron, il a hérité des revenus qui viennent avec. Mais comment a-t-il maintenu son empire? Notamment par une direction autoritaire, qui plus d’une fois, s’en est prise aux syndicats (pensons aux lock-outs au Journal de Montréal et au Journal de Québec, à la signature de lettres ouvertes contre les syndicats, à l’opposition à la modernisation des lois anti-briseurs de grève). Aussi, étudions le présent : le candidat-magnat s’oppose au report de l’équilibre budgétaire (alors qu’on commence à peine à voir les impacts néfastes de celui-ci, surtout sur les personnes les plus démunies). Enfin – et cela ne manque pas d’importance –, il refuse de voir tout conflit d’intérêt entre le fait de diriger l’un des deux plus gros partis du Québec et d’être l’actionnaire de contrôle du plus grand empire médiatique en ces terres, alors que les risques sont bien réels.
Il est donc surprenant de voir des personnes telles que Raymond Lévesque, France Castel et Xavier Dolan, connues pour leurs positions de gauche, signer un texte qui vient lustrer la candidature d’un homme de droite. Oui, les nécessités matérielles de la création amènent parfois à de drôles de convergences, mais la promesse de l’indépendance – définie dans des termes on-ne-peut-plus-flous – faite par PKP est-elle si séduisante?
Il serait de bon ton, à l’instar des signataires, de terminer mon texte avec un fait : le programme de PKP pour la course à la direction du PQ, tel que disponible sur son site internet, ne contient aucune mention du mot « culture », aucune promesse dans ce domaine. Certains mirages ont la couenne dure.