Diversité d’organismes
Elle s’est jointe à une trentaine d’organisations syndicales, sociales et communautaires qui ont réclamé « l’arrêt immédiat du recours aux différentes armes de contrôle de foule et aux arrestations de masse » lors d’une conférence de presse tenue le 1er avril à Montréal.
Ces organisations comprennent des groupes aussi diversifiés que le collectif Armes à l’œil, l’Association des juristes progressistes, la Confédération des syndicats nationaux, la Fédération des femmes du Québec (FFQ), le Collectif opposé à la brutalité policière, le FRAPRU, Greenpeace et la Convergence des luttes anticapitalistes.
« Le fait (que la répression) survienne de manière aussi brutale, dès le début du mouvement de grève étudiante, témoigne de la volonté ferme d’écraser le mouvement social qui prend de l’ampleur et démontre le caractère politique de cette répression. », soulignent les signataires d’un communiqué collectif.
Ceux-ci dénoncent les débordements policiers et déplorent que ces débordements résultent en grande partie du pouvoir conféré par aux policiers par les autorités politiques, notamment en vertu de règlements municipaux. Brice Dansereau-Olivier, membre du Syndicat industriel des travailleurs et des travailleuses et co-porte-parole de la Commission populaire sur la répression politique, déplore que ces règles donnent à la police « le pouvoir discrétionnaire de carrément éliminer de la vie publique certaines manifestations ».
S’ajoute à cela l’appui inconditionnel d’une majorité d’élus envers les autorités policières, malgré des dérapages évidents. Le juge Randall Richmond de la cour municipale de Montréal notait de graves violations de la loi dans un jugement en février qui a forcé l’abandon par la Ville de Montréal d’environ 2000 accusations portées en vertu du règlement P6.
Militarisation policière
La situation inquiète Nicole Fillion, coordonnatrice de la Ligue des droits et libertés. « On fait face à une banalisation, au sein de la population, du droit de manifester », dit-elle. Elle rappelle que les recommandations du rapport de la commission Ménard sur la révision et l’encadrement des techniques de contrôle de foule et l’utilisation des armes intermédiaires par les forces policières ont été complètement ignorées par le gouvernement du Québec.
De même, les autorités publiques n’ont jamais pris acte de la condamnation par le Comité des droits de l’homme de l’ONU des pratiques d’arrestation de masse observées à Montréal au tournant des années 2000. Au contraire, on a assisté depuis 2010 à une escalade sans précédent de la répression politique au Canada et à une criminalisation accrue de la dissidence.
« Les gens se font traiter comme un ensemble de criminels, parce qu’ils tiennent à appliquer leurs droits politiques », s’indigne Fannie Poirier, porte-parole des comités Printemps 2015. « On les attend avec un attirail militaire qui est tout à fait disproportionné », ajoute-t-elle en précisant que cette criminalisation de la dissidence s’accompagne d’une « militarisation de nos corps policiers qui est tout à fait injustifiable. »
À cette escalade des capacités paramilitaires de la police s’ajoutent des millions de dollars de fonds publics investis dans les coûteuses procédures qui découlent de la contestation judicaire de la répression de masse. Ce renforcement de l’arsenal policier s’accompagne d’un recours de plus en plus fréquent aux armes intermédiaires, et ce même lors de manifestations essentiellement pacifiques. Selon plusieurs observateurs, l’objectif des forces policières semble être de décourager la participation à certains types de manifestations.
« C’est bien beau de clamer qu’on a le droit, sur papier, de manifester », lance Dominique Boisvert de la Coalition main rouge. « Mais, de fait, il n’y en a pas de droit de manifester, parce que les gens ont peur d’y aller. »
Tactiques de peur
La peur de manifester résulte notamment de l’usage inapproprié d’armes comme le lance-grenades utilisé par l’agent Charles Scott-Simard à Québec, qui a causé de graves blessures à Naomie Tremblay-Trudel la semaine dernière. En 2012, Maxence Valade a subi un traumatisme crânien et a perdu l’usage d’un œil après avoir été atteint en plein visage d’une balle de plastique triée par un fusil ARWEN. Les utilisations dangereuses et abusives de telles armes ont été largement documentées depuis 2012, qu’il s’agisse par exemple des armes intermédiaires d’impact à projectiles ou des grenades assourdissantes.
Mesures inacceptables
Les organisations signataires du communiqué émis le 1er avril par la Ligue des droits et libertés jugent « totalement inacceptable le recours à différentes armes de contrôle de foule telles que les gaz irritants, non seulement pour les dommages que ceux-ci causent à la santé des manifestant-e-s, mais aussi pour les atteintes à l’intégrité physique ou même à la vie des personnes visées, notamment lorsque les projectiles sont tirés à bout portant ».
« Les personnes qui s’expriment actuellement par la voie des manifestations posent un acte politique légitime, qui est protégé par nos chartes des droits et libertés », rappellent les représentants de ces organismes.