S’intéresser à la question syndicale implique essentiellement deux choses: constater la nécessité d’un mouvement syndical fort pour obtenir des gains sociaux qui profitent à l’ensemble de la population et affirmer sans complaisance que les organisations syndicales parviennent souvent mal à imposer une ligne d’action progressiste aux élites dominantes.

De multiples causes à l’affaiblissement du syndicalisme

Une certaine critique en vogue laisse entendre que les grandes centrales ont pour seul objectif d’éteindre la mobilisation en cours. À notre avis, cette critique passe à côté de l’essentiel dans la compréhension de la question syndicale. Doit-on remettre en cause le conservatisme de certains acteurs de ces organisations qui les confortent dans une vision orientée vers la conservation de leurs acquis? Absolument. Mais on ne peut réduire la complexe question de l’affaiblissement du syndicalisme à une lecture empreinte de raccourcis qui associe la source de tous les maux à un appareil syndical qui ferait tout pour freiner la contestation. Une telle lecture ne nous permet pas de saisir le réel défi que représente la mobilisation de travailleuses et travailleurs qui ont été bombardés par le discours néolibéral pendant plus de 30 ans. Une réflexion sérieuse sur le syndicalisme demande donc de prendre acte de l’ensemble des causes qui limitent son action.

Doit-on remettre en cause le conservatisme de certains acteurs de ces organisations qui les confortent dans une vision orientée vers la conservation de leurs acquis? Absolument.

Le mouvement syndical québécois est affaibli pour plusieurs raisons, dont certaines qui lui appartiennent et d’autres qui tiennent du contexte social dans lequel il s’inscrit. Il nous apparaît en fait que le mouvement syndical évolue de pair avec la société québécoise. Comme plusieurs institutions, il traverse actuellement une crise de légitimité, alors qu’il peine de plus en plus à rejoindre ses membres et à convaincre la population d’entendre ses propositions dans le discours public. Il ne s’agit donc pas tant de dire que le syndicalisme agit mal ou trop peu, mais bien de faire en sorte que les éléments favorables à un renouveau se généralisent dans l’ensemble du syndicalisme.

Le mouvement syndical est nécessairement touché par la vision néolibérale qui domine la conduite de notre société et qui fait pourtant chaque jour la démonstration de son échec retentissant. Attaqués de toutes parts depuis plusieurs années, les syndicats québécois traversent les tempêtes tant bien que mal, sans toutefois parvenir à s’imposer comme le levier majeur du changement social.

Appuyés sur ces constats et sur le bilan de l’action syndicale récente, nous tentons dans Renouveler le syndicalisme de réfléchir à des voies de sortie. En mettant à contribution les analyses de plusieurs auteur∙e∙s, nous participons à la réflexion actuelle sur la mobilisation sociale en mettant de l’avant des propositions pour un mouvement syndical plus combatif.

Des propositions pour un syndicalisme de transformation sociale

Nous sommes convaincus que le mouvement syndical demeure plus que jamais un acteur social incontournable. En effet, il compte sur des moyens importants, sur une présence dans toutes les régions du Québec et il est prêt à recevoir les critiques… et les propositions. Il n’est plus suffisant de critiquer le mouvement syndical, encore faut-il être en mesure de lui proposer des solutions pour l’avenir.

Le mouvement syndical doit prendre à notre avis la voie d’un syndicalisme de transformation sociale. Il doit absolument s’éloigner du corporatisme et travailler activement à construire une contestation sociale permettant de faire avancer un projet de société plaçant la justice et l’égalité en son centre. Cela implique d’abord et avant tout de prioriser l’action syndicale qui touche l’ensemble de la population. Si les syndicats veulent reprendre l’offensive, ils n’auront d’autre choix que de mettre des énergies importantes dans la formation et l’éducation populaire des travailleuses et travailleurs. Pour compter sur l’appui des syndiqué∙e∙s, ils devront instaurer un dialogue permanent avec eux et leur donner une voix au chapitre. Cela demande de revoir certaines pratiques syndicales et de promouvoir une démocratie plus décentralisée. Les syndicats doivent ainsi réinvestir le terrain et travailler à redonner confiance aux travailleuses et travailleurs dans leur capacité d’obtenir des gains sociaux.

Le mouvement syndical doit prendre à notre avis la voie d’un syndicalisme de transformation sociale. Il doit absolument s’éloigner du corporatisme et travailler activement à construire une contestation sociale permettant de faire avancer un projet de société plaçant la justice et l’égalité en son centre.

Un syndicalisme de transformation sociale voudra aussi reprendre le plein contrôle de l’ensemble des moyens d’action à sa disposition, dont celui du recours à la grève. Le progrès social et la grève sont historiquement indissociables. Le mouvement syndical, s’il souhaite accélérer le changement social, doit mener une réflexion sérieuse sur l’utilisation de la grève, d’autant plus dans un contexte où les gouvernements n’ont de cesse de vouloir la restreindre.

Le syndicalisme est, selon nous, placé devant deux choix: ou bien il choisit le statu quo afin de «maintenir» ses acquis, mais sous peine de voir son influence diminuer progressivement, ou bien il prend le risque d’emprunter une nouvelle route pour reprendre son rôle de fer de lance de la contestation sociale. Choisir la deuxième voie, c’est d’abord prendre acte de l’essoufflement d’un syndicalisme dont l’institutionnalisation a trop souvent figé ses capacités d’action. Mais c’est aussi et surtout prendre les moyens qui s’imposent pour répondre à la crise actuelle et se donner une chance réelle de transformer notre société.

L’ouvrage collectif Renouveler le syndicalisme est publié aux éditions Écosociété