Il n’y a pas si longtemps, il y avait un programme qui, par l’intermédiaire de Postes Canada, permettait de subventionner l’expédition d’aliments nutritifs vers les collectivités du Nord. Le programme n’était pas parfait, mais on aurait pu en élargir la portée. Aliments-poste permettait de tirer parti de l’infrastructure fédérale existante pour alléger le problème du coût élevé des aliments dans les collectivités nordiques. Grâce à ce programme, les détaillants des collectivités nordiques isolées se faisaient expédier des aliments par l’intermédiaire de Postes Canada au coût de 80 cents le kilogramme. Aujourd’hui, ils paient environ 13 $ le kilogramme pour obtenir les mêmes produits. Le gouvernement Harper a cessé de subventionner l’expédition des aliments. Il verse plutôt des subventions directes aux détaillants, sans exiger d’eux l’assurance qu’ils en feront bénéficier la population.

Les lacunes du programme Nutrition Nord sont flagrantes. Les détaillants reçoivent des subventions du gouvernement fédéral, mais ils doivent eux-mêmes prendre les arrangements pour l’expédition des aliments. Il n’y a rien qui oblige les commerçants à maintenir le prix des aliments de base à un bas niveau et rien ne les empêche non plus de simplement empocher la subvention et d’augmenter les prix. Le programme Aliments-poste aurait non seulement maintenu le prix de la marchandise à bas coût pour les détaillants, mais il aurait pu être élargi pour permettre aux citoyens de commander des aliments en gros et de bénéficier de l’expédition subventionnée. Le programme aurait ainsi réduit de manière considérable le prix des aliments nutritifs dans les collectivités isolées.

Les lacunes du programme Nutrition Nord sont flagrantes. Les détaillants reçoivent des subventions du gouvernement fédéral, mais ils doivent eux-mêmes prendre les arrangements pour l’expédition des aliments.

Le programme Aliments-poste était une solution sensée à un problème que le gouvernement conservateur n’a fait qu’aggraver. Il y a dans toute cette histoire un aspect idéologique qu’on ne peut passer sous silence. Il concerne le rôle du gouvernement fédéral, de ses institutions et des sociétés d’État à relier le pays. Postes Canada a toujours occupé une place primordiale dans l’infrastructure du pays en rapprochant la population d’un océan à l’autre. Toutefois, le modèle néolibéral imposé par Stephen Harper va fondamentalement à l’encontre de cet objectif. Les conservateurs préfèrent donner des subventions à des entreprises et démanteler les programmes fédéraux.

L’abolition du programme Aliments-poste n’a de sens que si on la situe dans le vaste objectif d’élimination des services publics et de démantèlement de l’infrastructure fédérale. Elle ne prend appui sur aucun argument financier. Les répercussions sur les collectivités nordiques sont dévastatrices. Le programme Aliments-poste était un exemple de la façon dont on peut utiliser Postes Canada pour répondre à des besoins sociaux. Il permettait de tirer profit de l’infrastructure fédérale existante pour assurer la prestation de services. Et, bien entendu, Aliments-poste n’est qu’un exemple des nombreuses possibilités. Le vaste réseau de points de vente au détail de Postes Canada – le plus grand au pays – pourrait servir à offrir des services bancaires et financiers aux collectivités, comme le font de nombreux services postaux dans le monde. Postes Canada pourrait aussi utiliser son infrastructure pour devenir un fournisseur de services sans fil, comme La Poste le fait en France. Les services et programmes que l’on pourrait offrir en ayant recours à l’infrastructure de cette importante société d’État sont sans fin.

Mais il s’agit d’un point de vue qui s’oppose aux croyances idéologiques profondes de Stephen Harper et de son gouvernement. Les conservateurs, au contraire, préfèrent dépouiller Postes Canada de ses services. Ils créent une situation de crise, puis préparent tranquillement un programme de privatisation. Pour les conservateurs, le fait même que les programmes comme Aliments-poste ne soient pas motivés par l’appât du gain représente une raison suffisante pour les abolir.

Dans les faits, bien des aspects de Postes Canada ne cadrent pas avec l’idéologie du secteur privé. Postes Canada repose sur un modèle d’interfinancement. Différents services génèrent des revenus qui varient selon les régions. Il en coûte seulement un dollar pour envoyer une lettre au Nunavut, mais le coût réel de l’envoi de cette lettre est beaucoup plus élevé. Les activités rentables de la Société subventionnent les autres moins rentables, et cela permet au public de bénéficier des mêmes normes de service dans l’ensemble du pays. Les conservateurs trouvent répréhensible l’idée même de fournir collectivement des services dont chaque personne a besoin.

Dans les faits, bien des aspects de Postes Canada ne cadrent pas avec l’idéologie du secteur privé. Postes Canada repose sur un modèle d’interfinancement.

Confiez le service postal à une entreprise du secteur privé et voici ce qui arrivera: elle augmentera les tarifs dans les régions rurales et éliminera des services pour maximiser ses profits. Voilà exactement ce que propose le modèle néolibéral auquel Stephen Harper croit dur comme fer. Toutefois, cette vision ne cadre absolument pas avec le véritable objectif de Postes Canada.

Postes Canada est l’une des pièces de l’infrastructure fédérale. Elle est présente dans toutes les collectivités et, à vrai dire, à chacune des adresses au Canada. Elle est le plus vaste réseau logistique au pays. Sa capacité à offrir de nouveaux produits et services grâce à son infrastructure est illimitée. Le programme Aliments-poste n’était qu’un exemple parmi tant d’autres de ce que peut accomplir cette société d’État, mais il s’agit d’un exemple qu’il vaudrait la peine de rétablir. Cela ne risque pas de se produire tant que les conservateurs seront au pouvoir. Ils vont continuer de lire leur journal pendant que des citoyens du Nord fouillent dans les dépotoirs pour se nourrir.