Pouvons-nous négocier la vie? C’est la question que pose l’économiste Tania Ricaldi, représentante du Groupe de Travail en Changement Climatique et Justice de Bolivie, sur les objectifs de la COP 20, lors d’un des ateliers d’ouverture du Sommet. Ricaldi rappelle que l’exercice de négociation des conditions de changement climatique par les chefs d’État revient à négocier la vie de milliers de personnes, surtout de ceux et celles qui vivent déjà les conséquences de l’augmentation de la température moyenne globale.

L’urgence d’agir plutôt que de négocier des accords non contraignants était au cœur de quatre jours de mobilisations et d’échanges au Sommet des Peuples.

L’urgence d’agir plutôt que de négocier des accords non contraignants était au cœur de quatre jours de mobilisations et d’échanges au Sommet des Peuples. Le Sommet a réuni plusieurs représentants et représentantes de la société civile internationale, et des groupes autochtones provenant majoritairement des Andes et de l’Amazonie. L’un des objectifs principaux du Sommet était de créer des alliances entre les différents peuples de la région touchés par la crise climatique, et d’articuler des solutions aux différents enjeux écologiques, en prêtant une attention particulière aux alternatives possibles au modèle de développement économique actuel.

La force de mobilisation des peuples s’est fait sentir dans les rues de Lima le 10 décembre dernier, où 10 000 personnes ont marché sous la bannière « Je me lève pour ma terre ». Les différents leaders autochtones ont rappelé les injustices climatiques vécues dans la région et l’importance de repenser le modèle de production et de développement, sujet peu questionné à l’intérieur des murs de la COP 20.

Nicolas Bonnet

Agua Si, Oro No

Le slogan « De l’eau, pas de l’or » résume bien le cri du cœur des communautés paysannes et autochtones touchées par l’exploitation minière, identifiée par le Sommet comme le principal responsable des changements climatiques. Parmi les différentes injustices environnementales dénoncées autour des industries extractives, celle du conflit de Conga, dans la région de Cajamarca, au nord du Pérou, illustre le mieux la résistance autochtone et la lutte pour la préservation de l’eau des peuples andins.

Les communautés de la région de Cajamarca sont reconnues historiquement pour souffrir des effets d’une des plus grandes mines d’or du continent, Yanacocha, et leur accès à l’eau diminue drastiquement depuis la réalisation du projet de Conga, qui implique l’assèchement de quatre lagunes dans la région. Plus de 200 habitants de Cajamarca se sont rendus à la marche dans la capitale péruvienne, parcourant plus de 800 km pour dénoncer la perpétuation de la pollution par le projet Conga. Les marcheurs et marcheuses ont tenu à rappeler que le manque de consultations des communautés autochtones a été accompagné de violences de la part de l’État péruvien envers les opposants au projet, qui ont causé la mort de cinq personnes lors de l’intervention militaire de juin 2012.

À leurs yeux, les causes des différents conflits écologiques sont les activités minières et extractives à la base du modèle de développement économique suivi par l’Amérique latine. « Nous ne voyons pas de développement dans notre région. Pour nous, le développement a été synonyme de pollution et de mort! », s’exclame Santos Huaman Solano, dirigeante autochtone de la province de Celendin à Cajamarca, qui a perdu son fils lors des confrontations de 2012. Plusieurs autres cas ont été exposés pendant le Sommet, permettant de réunir les communautés affectées et de rendre visible les multiples injustices climatiques déjà présentes dans le territoire hôte de la COP 20.

« Nous ne voyons pas de développement dans notre région. Pour nous, le développement a été synonyme de pollution et de mort! »

La reconnaissance des droits autochtones pour combattre les changements climatiques

Le Sommet a également permis aux groupes autochtones du Pérou et des pays voisins de formuler des réponses à la crise écologique. Plus de 800 membres de 35 peuples autochtones des régions andine et amazonienne se sont rassemblés autour du Pacte d’Unité, exigeant la reconnaissance du droit à l’autodétermination des peuples autochtones, identifié comme le moyen principal pour freiner les effets des changements climatiques.

Dans la déclaration du Pacte d’Unité, les peuples autochtones souhaitent être reconnus comme des acteurs et actrices centraux dans la préservation des écosystèmes, en jouant le rôle principal dans la prise de décisions relative au type de développement à suivre. Le Pacte appelle également à la valorisation et à la diffusion des connaissances et principes écologiques autochtones pour la bonne gestion de ressources naturelles. « Nous croyons au principe du Buen Vivir comme moteur de projets de développement », a déclaré Gladis Vidal, leader Quechua et porte-parole du Sommet de Peuples. Le principe du « bien-vivre » promeut le respect de la nature comme pilier de l’économie et de la distribution de ressources.

Les groupes réunis au Sommet souhaitent que leurs revendications trouvent un écho auprès des membres de la société civile internationale, invitant à la mobilisation citoyenne, une voie plus prometteuse que des négociations internationales.