La nouvelle est tombée, hier, en début d’après-midi. Sans surprise. La Canadienne Michaëlle Jean, élue à la majorité, est la nouvelle secrétaire de l’Organisation internationale de la Francophonie. Déjà donnée favorite pour remplacer Abdou Diouf qui a bouclé trois mandats à la tête de cette organisation, Michaëlle Jean était en lice avec quatre autres candidats : l’écrivain et diplomate congolais Henri Lopes, le Mauricien Jean-Claude l’Estrac, l’ancien président du Burundi Pierre Buyoya et l’Équato-Guinéen Augustin Nze Nfumu. Son élection est symbolique à plus d’un titre.Elle est la première femme à diriger l’OIF. C’est également la première fois que cette organisation est dirigée par une personnalité non originaire du continent africain. La nouvelle Secrétaire générale est néanmoins en terrain connu. En 2012, elle a représenté la Francophonie aux Jeux olympiques et paralympiques de Londres à la demande d’Abdou Diouf.
Parcours impressionnant
Agé de 57 ans, Michaëlle Jean née à Port-au-Prince (Haïti). Elle est arrivée au Canada en 1968 avec ses parents, pour fuir le régime dictatorial de François Duvalier. Au Québec, elle suit des études en littérature comparée à l’Université de Montréal, avant d’y enseigner la langue et la littérature italienne. Dans son pays d’accueil, elle a, pendant dix ans, travaillé à la mise sur pied d’un vaste réseau de refuges d’urgence pour les femmes victimes de violence conjugale et leurs enfants. En 1988, ce professeur des langues se reconvertit au journalisme. Avec succès. Elle connaît une brillante carrière de journaliste et d’animatrice d’émissions d’information à la télévision publique canadienne, au réseau français Radio-Canada et au réseau anglais CBC Newsworld. Ses productions lui valent de nombreux prix, dont celui de l’Assemblée nationale du Québec. L’Assemblée parlementaire de la Francophonie lui décerne l’insigne de Chevalier de l’Ordre de La Pléiade. Michaelle Jean a participé également à plusieurs films documentaires réalisés par son mari, le cinéaste, essayiste et philosophe Jean-Daniel Lafond, parmi lesquels « La manière nègre ou Aimé Césaire, chemin faisant », « Tropique Nord », « Haïti dans tous nos rêves » et « L’heure de Cuba ». De nombreuses universités canadiennes et étrangères lui accordent des doctorats honorifiques qui saluent son engagement et son action. Parmi ces distinctions, le Prix Canada 2009 du Fonds de développement des Nations unies pour la femme (UNIFEM), une récompense pour sa contribution à l’avancement de l’égalité des sexes. Le 27 septembre 2005, une nouvelle page s’ouvre dans la vie Michaëlle Jean. Elle devient la 27e Gouverneure générale et commandante en chef du Canada. En octobre 2010, elle est nommée envoyée spéciale de l’UNESCO pour Haïti, son pays d’origine.
Tournée vers l’avenir
Candidate, elle plaidait pour la formation dans des domaines de pointe, la diversification de l’économie et l’aide aux pays africains émergents. Après sa désignation, elle a réaffirmé l’orientation économique qu’elle veut donner à l’OIF. « Des pays de tous les horizons sont membres de la francophonie. Nous avons des pays dans le G8, des pays en développement, des pays les moins avancés. Nous devons maintenant agir sur le fossé macro-économique, en nous ouvrant aux fora économiques de tous les continents », a affirmé la nouvelle secrétaire générale de l’OIF, lors de la conférence de presse de clôture du XV sommet de la francophonie, au Centre international de conférences Abdou Diouf. « Le cap économique est une perspective réjouissante (…) les peuples et les citoyens doivent se rencontrer en commerçant ensemble (…) », a ajouté Micheëlle Jean. Un grand défi. La Francophonie des peuples relève pour certains de l’utopie. C’est un véritable parcours du combattant pour aller en France. La Francophonie économique et des peuples impose que les visas soient octroyés beaucoup plus facilement. De plus, un étudiant francophone ayant étudié en français en France devrait pouvoir faire carrière en France, comme le recommande Jacques Attali dans son rapport sur la Francophonie. D’autres voix comme celle du président ivoirien se sont jointes à celle de M. Attali pour appeler à une vaste circulation des personnes, des biens et technologies. La France, par la voix de son président, veut donner l’exemple. François Hollande a demandé que des facilités soient accordées aux étudiants qui veulent étudier dans l’Hexagone. À Michaëlle Jean de traduire cette volonté en réalité pour faire taire les pourfendeurs de la Francophonie qui voient cette organisation comme un instrument au service de la Françafrique.
Michaelle Jean semble prendre la mesure de sa nouvelle mission. « Ensemble, traçons le chemin d’une Francophonie moderne et tournée vers l’avenir. La Francophonie du XXIe siècle sera au service et à l’écoute des jeunes et des femmes. Prospère, elle conjuguera l’accroissement des échanges et le développement humain et durable pour tous », a-t-elle déclaré. Adepte de la « diplomatie fine », elle dit compter « sur la mutualisation des expertises, institutions, manières de développement et capacités de faire ».
Journaliste expérimentée, Michaelle Jean maîtrise parfaitement les rouages de la communication et parle cinq langues : le français, l’anglais, l’italien, l’espagnol et le créole, en plus de lire le portugais. Elle devrait donc donner à la Francophonie un rayonnement médiatique intéressant.