Un aspect souvent oublié de l’austérité libérale est son impact sur les communautés rurales du Québec: ces centaines de milliers de Québécois qui habitent en dehors des milieux urbains, dans des centaines de municipalités et de villages, et qui sont souvent ignorés dans les l’espace public. Ils seront pourtant particulièrement touchés par les mesures d’austérité.

La réforme des retraites municipales

L’objectif avoué du gouvernement du Québec de diminuer de façon importante les bénéfices des régimes de retraite des municipalités aura un impact important sur les communautés rurales. Plusieurs études, comme celle-ci et celle-là démontrent que les régimes de retraite (d’autant plus ceux des villes comme Montréal et Québec) tendent à lever de l’argent dans les grandes villes et l’envoyer dans les régions rurales.

En Gaspésie, dans les Laurentides, en Estrie, dans Charlevoix et dans Lanaudière, les pensions de des retraités représentent une partie importante de l’économie.

Les cotisations de ces régimes sont principalement payées dans les villes et les banlieues, parce que les employés des villes habitent là durant leur carrière. Par contre, une fois la retraite arrivée, plusieurs choisissent de quitter la ville pour la campagne. Plusieurs villages aux Québec doivent leur croissance démographique qu’à ces retraités en quête de nature. En Gaspésie, dans les Laurentides, en Estrie, dans Charlevoix et dans Lanaudière, les pensions de ces retraités représentent une partie importante de l’économie. Coupez ces pensions et celles des futurs retraités et vous asphyxiez ces économies locales.

La réforme du système de santé

Pour ce qui est de la réforme du système de santé, le ministre Barrette veut créer un seul établissement de santé par région. Il en résultera une concentration des emplois administratifs et des équipes spécialisées dans les villes-centres des régions (Sherbrooke pour l’Estrie, Rimouski pour le Bas-Saint-Laurent, Trois-Rivières pour la Mauricie-Centre-du-Québec, Longueuil pour la Montérégie, etc.)

Les emplois administratifs dans les établissements de santé en dehors de ces villes-centres sont donc appelés à disparaître, en partie ou totalement. De plus, si on se fie à l’expérience des CSSS, il est fort à parier que la réforme Barrette entraînera une centralisation des équipes de soins dans les villes-centres, au dépens des villes et villages de la périphérie.

Les municipalités qui verront leur établissement de santé se transformer en succursale ont de quoi s’inquiéter pour leur économie locale

Concrètement, si on prend l’exemple du Bas-St-Laurent (juste parce que c’est la région 01), cela signifie des centaines d’emplois à Amqui, Trois-Pistoles, Rivières-du-Loup, Mont-Joli, Matane, Pohénégamook et St-Pascal seront transférés à terme vers Rimouski. Alors que Rimouski risque de s’en réjouir, les municipalités qui verront leur établissement de santé se transformer en succursale ont de quoi s’inquiéter pour leur économie locale, sans compter la perte éventuelle de services locaux pour la population.

Fermeture des CLD, CRÉ et CJE

On apprenait récemment que le gouvernement Couillard a l’intention de fermer les outils de développement régional que nous avons collectivement bâtis pour économiser. Les Centres Locaux de Développement (CLD), les Conférences régionales des élus (CRÉ) et les Centres jeunesse emploi (CJE) risque de recevoir la visite de la scie à chaîne libérale. Le gouvernement a même déjà entraîné la fermeture de Solidarité rurale, qui avait comme objectif de promouvoir le développement du monde rural au Québec.

Dans les villes, où l’économie est déjà diversifiée et où le bassin de population est important, ces outils donnent un coup de pouce à la croissance et à l’essor de nouvelles entreprises. Dans les communautés rurales, en particulier en région, qui sont souvent inconnues des réseaux d’affaires et où les nouvelles entreprises ont de la difficulté à trouver des ressources techniques ou de la main-d’œuvre spécialisée, ces outils sont souvent essentiels pour y attirer croissance économique et nouvelles entreprises. Fermer ces ressources revient à condamner plusieurs villages à la disparition.

Exploiter le territoire avant tout

Toutes ces mesures pour s’attaquer à l’économie et à l’emploi dans les régions rurales sont l’expression de la vision de l’occupation du territoire du gouvernement Couillard. Pour ce gouvernement, la richesse première des régions et des campagnes, ce sont leurs ressources naturelles, pas les gens qui y habitent.

Favoriser une agriculture industrielle et l’exploitation forestière, développer l’industrie minière et le développement du transport et de l’exploitation des hydrocarbures, c’est beaucoup plus facile à faire quand personne n’est là, aux premières loges, pour subir le saccage de l’environnement que ça entraîne.

C’est beaucoup plus facile de créer des camps de travail temporaires et de faire venir des travailleurs des villes pour la période où les ressources sont exploitées. Pour le parti libéral du Québec, il semble souhaitable d’exploiter le territoire du Québec plutôt que de l’habiter.