« L’austérité, c’est une histoire d’horreur. Ce qui se passe n’a aucun sens. On voit nos luttes et nos acquis s’éroder. C’est la poupée qui se démantèle comme dans les films d’horreur », affirme Kim de Baene, porte-parole de la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics, aussi appelée Coalition Main Rouge. « D’entendre Couillard dire : “Moi, je fais ça pour mes enfants et mes petits-enfants, pour ne pas qu’ils se retrouvent avec une dette”, je trouve ça insultant. Que veux-tu laisser à tes enfants? Un Québec en miettes, qui n’a pas défendu les droits de ses citoyennes et de ses citoyens. Si tu veux laisser quelque chose à tes enfants, assure-toi d’une meilleure redistribution de la richesse qui va te permettre de préserver les services publics et les programmes sociaux », ajoute-t-elle.
La Coalition n’a pas appelé à une action nationale d’envergure depuis longtemps. Créée en 2009 dans le contexte des mesures de tarifications lancées par le gouvernement Charest, cette Coalition regroupe près de 85 organisations sociales de divers horizons. Le 31 octobre, elle veut envoyer le message qu’il faut « refuser l’austérité ».
Dans un document intitulé « 10 milliards de solutions », la Coalition défend une série de dix-huit mesures fiscales qui pourraient rapporter à l’État, selon ses calculs, près de 10 milliards de dollars annuellement, « tout en assurant une plus grande justice sociale ». Parmi ces mesures, on compte notamment l’ajout de six paliers d’imposition, l’abolition du crédit d’impôt pour les gains en capitaux pour les entreprises et les particuliers, la mise en place d’un régime d’assurance médicament entièrement public, l’augmentation des impôts des entreprises et la réinstauration de la taxe sur le capital pour les institutions financières.
Selon nos informations, le gouvernement connaitrait déjà dans le détail les propositions fiscales de la Coalition depuis 2012. Un document d’analyse des propositions de la Coalition, non rendu public à ce jour, aurait été rédigé par des fonctionnaires du Ministère des Finances. Contacté par Ricochet, le Ministère des Finances n’a pas voulu commenter les revendications de la Coalition avant la fin de la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise. Une demande d’accès à l’information a toutefois été déposée par Ricochet pour connaître ledit rapport d’analyse. Comment la Coalition Main Rouge pense donc faire avancer ses revendications maintenant qu’elles sont connues du gouvernement? « Certainement pas en s’assoyant avec le gouvernement, en faisant seulement des mémoires et des consultations, même si c’est important. C’est à la base qu’il faut travailler! La grogne sociale augmente. La coalition va continuer à mobiliser et à marteler le contre-discours qu’on a les moyens de faire autrement », a soutenu la porte-parole.
Vers un élargissement de la mobilisation?
Au sein de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ), seul membre étudiant de la Coalition, les votes de grève pour la manifestation se multiplient. En date du 27 octobre, 20 associations représentant un total de 35 000 étudiants avaient obtenu un mandat de grève pour la journée du 31 octobre. Plusieurs votes sont encore à venir. « On parle d’une possibilité de 62 000 étudiants et étudiantes en grève », selon Camille Godbout, porte-parole de l’ASSÉ. « Si jamais le gouvernement persiste à faire des compressions et à mettre en œuvre son projet d’austérité, il va nous trouver sur son chemin », a soutenu Mme Godbout.
La Coalition prévoit déjà plusieurs « actions dérangeantes » au cours de l’hiver. « La teneur concrète reste encore à déterminer. Ça dépendra de la conjoncture. Mais certains groupes parlent déjà de grève sociale », a précisé Mme de Baene. Cette idée reste toutefois encore à l’étape des « discussions informelles ». Dans le mouvement étudiant, « la mobilisation est au rendez-vous et l’escalade des moyens de pression est entamée », selon la porte-parole de l’ASSÉ. Plusieurs associations étudiantes locales ont d’ailleurs déjà formé des « comités d’action pour un printemps 2015 ». Un site internet réalisé par des militants étudiants vient d’ailleurs d’être lancé à cet effet.
Réunies en congrès les 25 et 26 octobre derniers, les associations membres de l’ASSÉ ont invité à « créer des liens de solidarité sur les lieux de travail et dans les institutions d’éducation, entre les groupes communautaires, les syndicats et les associations étudiantes, mais aussi avec les citoyens et citoyennes en général », selon le compte-rendu de la porte-parole.
Dans les derniers jours, les grandes centrales syndicales ont appelé à se joindre à la manifestation du 31 octobre, même si elles ne sont officiellement pas membres de la Coalition. Pour Jacques Létourneau, président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), la lutte contre l’austérité exige cette solidarité. « C’est plus qu’une bataille syndicale, c’est une bataille sociale, » a-t-il défendu en entrevue téléphonique avec Ricochet.
Même son de cloche du côté du Front des travailleuses et des travailleurs du Québec (FTQ) : « Il faut créer les plus grandes alliances possible. Il faut miser sur ce qui nous unit. C’est l’austérité qui nous unit, il faut être solidaires, il faut être dans la rue tous ensemble », a soutenu au bout du fil Daniel Boyer, président de la FTQ. Selon nos informations, deux rencontres auraient déjà eu lieu pour tenter de créer une nouvelle coalition plus large. Pour le moment, les organisations s’en tiennent à des gestes d’appui mutuel, étant donné certaines discordances dans les modes d’organisation et les revendications. « On a partagé nos plans d’action respectifs, mais on a aussi convenu qu’on ferait chacun nos affaires de notre côté », a expliqué M.Boyer.
À ce titre, question de rendre la pareille, la Coalition Main rouge appelle déjà à participer aux manifestations du 29 novembre de Québec et de Montréal organisées par les centrales syndicales et leurs alliés rassemblés dans l’Alliance sociale. L’appel de la rue sera-t-il entendu? Premier verdict le 31 octobre.