La candidate du Parti des Travailleurs (PT), 66 ans, a été réélue en obtenant 51,64 % des suffrages contre 49,36 % pour le libéral Aécio Neves, 54 ans, représentant le Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB). Ce scrutin est le plus serré depuis la redémocratisation du pays et des élections de 1989, avec seulement un peu plus de trois millions de voix d’écart.
Pur produit de l’élite politique, Neves, soutenu par les classes moyennes et le secteur privé, n’a pas réussi son pari de « retirer le PT du pouvoir ». Malgré le soutien de la candidate écologiste Marina Silva, arrivée troisième lors du premier tour, l’économiste libéral a été devancé par sa concurrente dans les régions Nord et Nordeste, ainsi que dans les états du Minas Gerais, qu’il a gouverné entre 2003 et 2010, et celui de Rio de Janeiro, où il est né.
Politique sociale et développement
Au pouvoir depuis 2003, après l’élection de l’ancien métallurgiste Lula da Silva, le PT compte poursuivre l’application de sa politique sociale et son combat contre les inégalités. « Nous avons fait du social notre axe de développement, et nous avons obtenu des résultats extraordinaires, » expliquait la candidate travailliste dans une tribune publiée dans le quotidien Folha de SP, le matin du deuxième tour. Malgré plusieurs scandales de corruption, le PT a transformé le paysage social brésilien en éradiquant la faim dans le pays, et en faisant passer 42 millions de personnes de la classe pauvre à la classe moyenne. « Nous voulons que le gouvernement continue de développer des projets sociaux, pour que les personnes les moins privilégiées aient une chance dans la société, » explique Vánia Gaebler, ingénieure, venue célébrer la victoire de Rousseff dans les rues de Curitiba, capitale de l’état du Paraná, après l’annonce des résultats.
« Les programmes de lutte contre la pauvreté, comme le Bolso Familia, ont réduit les inégalités ces douze dernières années. Il y a eu un vrai changement, même s’il reste beaucoup à faire » confie Danilo A., conseiller juridique originaire de Feira de Santana (état de Bahia). Ce programme, mis en place par le PT en 2004, consiste à verser une aide allant de 70 à 230 reais brésiliens (30 à 100 dollars CAD) par mois aux familles les plus démunies. En 2014, plus de 50 millions de Brésiliens et de Brésiliennes bénéficiaient du programme, soit près d’un quart de la population.
Accusation de corruption et tension
La course à la réélection n’aura pas été sans peine pour celle qui s’est battue contre le régime militaire (1964-1985), dont la position a été fragilisée par les manifestations de juin 2013 contre la corruption, le coût de vie trop cher et le manque d’investissements dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Rousseff a dû se défendre face aux accusations de corruption émises par Paulo Roberto Costa, ancien directeur de l’entreprise pétrolière publique Petrobras et reprises par la revue conservatrice Veja. Incarcéré en mars pour blanchiment d’argent, Costa a récemment mis en cause quarante-neuf députés, douze sénateurs et un gouverneur, répartis dans plusieurs formations politiques, dont le PT. Ces politiciens auraient reçu des commissions de 3 % sur la valeur des contrats de la firme énergétique.
Les attaques personnelles se sont intensifiées entre les deux tours. De nombreux statuts stigmatisants les populations les plus pauvres et les habitants de la région Nordeste, où le PT a réalisé ses meilleurs scores au premier tour, ont inondé les réseaux sociaux. « Tout au long de la campagne, nous avons été témoins d’un grand mépris des élites envers les populations les plus pauvres », explique Adriano Codato, professeur de sciences politiques à l’Université Fédérale du Paraná. Lors d’une réunion à Recife (état de Pernambuco), l’ancien Président Lula da Silva a comparé les attaques contre Rousseff et le PT à celles faites par « les nazis durant la Seconde Guerre mondiale ». Quelques jours plus tard, Neves répliquait en comparant les méthodes du directeur marketing de Rousseff à celles de Joseph Goebbels, responsable de la propagande du régime nazi.
Une économie au ralenti
Dilma Rousseff devra remettre l’économie brésilienne sur les rails. La première puissance économique d’Amérique Latine a vu sa croissance ralentir ces quatre dernières années, passant de 7,5 % en 2010 à une prévision de croissance de seulement 0,9 % en 2014, selon les chiffres du gouvernement. Pourtant, Rousseff continue de stimuler la création d’emplois. Selon l’Institut brésilien de géographie et de statistique (IBGE), le taux de chômage était de seulement 4,3 % en décembre dernier, un record dans un pays qui vit pratiquement une situation de plein emploi.
L’inflation inquiète les Brésiliens, traumatisés par les changements de devises successifs et les périodes d’hyper inflation des années 1980 et 1990. Les prix sont en constante augmentation et les salaires peinent à suivre. Selon les chiffres officiels de la Banque Centrale brésilienne, ils ont augmenté de 6,5 % au mois d’août de cette année, atteignant le taux de tolérance fixé par le gouvernement. L’un des objectifs de la Présidente sera de ramener l’inflation en dessous de 4,5 %, afin de relancer le pouvoir d’achat et calmer les classes moyennes. Le défi est de taille.