L’appel aux urnes dans moins de quatre semaines, prévu depuis deux ans, est donc maintenu. Il n’aura toutefois aucune valeur légale et sera organisé par des bénévoles plutôt que par l’État afin de se conformer à l’interdiction par le gouvernement espagnol de voter sur la question de l’indépendance. L’Espagne, selon sa constitution, est indissoluble.

Artur Mas espère obtenir une participation significative et un vote indépendantiste fort pour passer à la deuxième étape de son plan : des élections plébiscitaires portant sur l’indépendance avec, d’un côté, les partis souverainistes et, de l’autre, les partis pro-Espagne. Telle serait la «consultation définitive», proposée par le président mardi.

Ces élections pourraient avoir lieu dans les premiers mois de 2015, confie un membre de l’Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), parti de gauche républicaine indépendantiste et deuxième formation politique en importance en Catalogne. L’ERC réclame que l’élection soit suivie d’une déclaration d’indépendance unilatérale.

Le président catalan et chef du parti Convergencia i unio (CiU, centre droit) a toujours affirmé vouloir procéder dans les limites de la légalité. Comme le Tribunal constitutionnel, à la demande du gouvernement espagnol, a suspendu le processus consultatif à la fin du mois de septembre, un tel dénouement était prévisible.
Le président espagnol Mariano Rajoy a d’ailleurs qualifié le recul de son homologue catalan de « triomphe de la démocratie » mercredi.

Peu d’heureux

En ce 15 octobre, les Catalans ont souligné le 74e anniversaire de l’exécution de leur président Lluys Companys par les troupes du dictateur Franco. Il est mort sous les balles, le visage à découvert pour affronter son destin, en criant « pour la Catalogne ».

Sans souhaiter voir Artur Mas faire sacrifice de sa vie, une frange du mouvement indépendantiste l’appelle à la désobéissance.

« S’il répond davantage au Tribunal constitutionnel qu’aux gens qui l’ont élu, ça déçoit la population », estime Josep Ximenis, membre de la Candidatura d’unitat popular (CUP), le parti le plus à gauche de l’échiquier indépendantiste. Sept Catalans sur dix appuient la tenue d’un référendum, selon un sondage publié début octobre.

Josep Ximenis aurait aimé voir Artur Mas déployer le courage qui l’a lui-même animé au moment d’organiser la première consultation locale sur l’indépendance de la Catalogne dans la commune d’Arenys de Munt, à 45 kilomètres de Barcelone, en 2009. Cette initiative populaire a fait boule de neige et en moins de deux ans, 553 des 947 municipalités de la Catalogne l’ont imité, déclenchant un renouveau du sentiment indépendantiste.

« J’étais optimiste face au mouvement il y a deux ans, mais aujourd’hui, au lendemain de cette annonce, je suis plutôt pessimiste, laisse tomber M. Ximenis. Nous avons surmonté de nombreuses difficultés pour tenir ce vote en 2009 et j’aurais espéré que le gouvernement en face autant. Si nous nous conformons sans cesse à la constitution espagnole, nous ne serons jamais un pays. »

Le parti n’a d’autre choix que de respecter l’accord parlementaire qui l’unit à la formation d’Artur Mas pour maintenir le bloc indépendantiste majoritaire au parlement.

Si le parti de M. Ximenis s’oppose à l’idée d’une élection plébiscitaire avec un ticket souverainiste unique, il en va autrement de l’ERC. Le parti n’a d’autre choix que de respecter l’accord parlementaire qui l’unit à la formation d’Artur Mas pour maintenir le bloc indépendantiste majoritaire au parlement et surtout, pour espérer un vote sur l’indépendance. N’empêche, à l’ERC, on doute à mots couverts des convictions d’Artur Mas, converti à la souveraineté en 2012.

La renaissance indépendantiste

Le président a suivi la même tendance que les Catalans, de plus en plus nombreux, à rêver d’un pays depuis 2010, année où la région a perdu une partie de son statut d’autonomie. Le Tribunal constitutionnel, à la demande du Partido popular (PP) désormais au pouvoir, avait alors invalidé des privilèges accordés à la Catalogne en 2006, dont le statut de nation.

Depuis ce temps, le sentiment nationaliste, doublé d’un ressentiment envers l’Espagne, s’est accentué, d’autant plus qu’économiquement, la Catalogne est une des vaches à lait d’une Espagne moribonde, durement frappée par la crise économique.

L’idée de pays séduit près de la moitié de la population alors qu’elle stagnait aux environs de 15 % en 2009.
Le 11 septembre dernier, jour de la fête nationale, 1,8 million de Catalans ont défilé dans les rues de Barcelone pour réclamer la tenue d’un référendum. Ils sont de nouveau appelés à battre les pavés de la capitale, dimanche. À force de marcher, peut-être s’approcheront-ils de leur indépendance.