L’exercice créatif qui devait exister sur scène le temps d’une soirée en 2011 laisse aujourd’hui place à une œuvre-fleuve de 4 heures. Une trilogie présentement à l’affiche au Théâtre d’Aujourd’hui. La pièce Trois (incluant Un et Deux) s’ouvre sur le solo que l’auteur a joué 130 fois, suivi d’un duo avec son ami et acteur Emmanuel Schwartz. Un chœur de 43 interprètes aux origines diverses prend d’assaut la scène pour clore la création.
Soleymanlou maîtrise finement l’art narratif, car s’il y a une histoire difficile à raconter pour le Montréalais, c’est bien celle de son Iran, devenu flou parce que si lointain après ses arrêts à Paris et à Toronto. Dans un texte riche, il tente de capter, nommer, résumer sa quête identitaire. « C’est un sujet tellement sensible pour beaucoup de monde. Il fallait faire attention à ce qu’on allait dire et comment le dire, mais surtout garder le ton utilisé dans Un pour conserver un point de vue observateur et non dénonciateur. »
Le dramaturge propose aussi beaucoup d’humour, ce qui réserve peu de place aux longueurs dans ce marathon théâtral. Il alterne réflexions profondes et musique ; de Gilbert Bécaud à Michael Jackson, le tout finement rythmé, mais parsemé tout de même de quelques clichés ici et là. En faisant des parenthèses, en éludant des aspects de la question, en ne gommant pas ses propres contradictions et en posant justement parfois sa loupe dessus, il dissèque ce vide qui le pousse à se questionner, qui le rend plus fort.
On ne peut assister à cette pièce passivement. Mani Soleymanlou nous oblige à nous regarder dans son miroir. « La question identitaire est une constante évolution, on change avec. J’ai eu de la difficulté à trouver une réponse finale artistiquement. » Le spectateur qui cherchait des vérités et des réponses sera donc déçu. Celui qui admet qu’on ne peut harmoniser le métissage culturel et définir la complexité du Québec et de l’Iran… même en quatre heures de théâtre, sortira ravi de cette pièce. Trois, c’est un texte qui fixe le Québec de 2014 en objet d’archives, mais ce n’est pas un exercice sociopolitique, selon son auteur. « Je ne pense même pas être un créateur politique ou social, mais tout artiste qui est à l’écoute de sa société finit par avoir un propos social. Comme artistes ou citoyens, on est submergés par la politique et les guerres, mais je n’ai pas envie de toujours parler de ça. »
Il planche d’ailleurs sur sa prochaine œuvre dans laquelle il jouera encore avec la forme triptyque de la pensée qui évolue. Loin des réflexions sur la culture, la religion et l’identité, Soleymanlou, 32 ans, explore cette fois les relations entre hommes et femmes, la famille et les enfants.
Ils étaient quatre sur les planches en mars à La Licorne suivie de 5 à 7 et Huit
Trois (incluant Un et Deux) jusqu’au 17 octobre au Théâtre d’Aujourd’hui