Ces incidents sont si fréquents qu’on s’en surprend à peine lorsqu’ils font les manchettes.

Tout juste après son arrestation le 24 septembre, l’Université annonçait que le joueur des Redmen Luis-Andres Guimont-Mota serait banni de l’équipe. Dans un communiqué, le vice-recteur Olivier Dyens spécifiait également que l’administration de McGill n’avait jamais été mise au courant des accusations de voie de fait auxquelles le joueur a plaidé coupable, en 2010. « Jamais ce joueur n’aurait dû être invité à se joindre à l’équipe», écrivait-on.

Dans sa lettre de démission, Uttley a pour sa part affirmé ne pas pouvoir continuer à travailler pour une organisation « qui ne valorise pas l’équité et qui n’est pas inclusive».
« L’éducation postsecondaire devrait être accessible à tous, pas seulement à ceux qui n’ont jamais commis d’impair. Comment quelqu’un peut aspirer à la réhabilitation si les principales institutions québécoises et canadiennes excluent ceux qui ont fait une erreur de jugement? » s’interrogeait l’entraineur. Il a également soutenu avoir été au fait du passé criminel de Guimont-Mota, et ce depuis son recrutement en août 2012. « Je crois en la réhabilitation », écrivait-il.

Soit. Au moment de joindre l’équipe, le joueur était effectivement « repenti ». Faute avouée, peine purgée; pas de quoi court-circuiter une carrière prometteuse en football universitaire. Apparemment. Quant aux plus récentes allégations, il faudrait, semble-t-il, s’en remettre aveuglément à la présomption d’innocence.

Bien qu’on ne puisse en effet présumer la culpabilité du joueur, soulignons que la réaction de l’Université est, contrairement à ce qu’en dit Uttley, plutôt encourageante. Enfin, on ose rompre avec la culture d’impunité par rapport à la violence, qui règne dans le monde des sports d’équipe « ultravirils ».

Quant à l’attitude et aux affirmations du coach Uttley, elles révèlent quelque chose de pourri au royaume du sport. À commencer parce qu’il attribue à une simple «erreur de jugement» le débordement d’agressivité passé du joueur expulsé. Un incident isolé et anecdotique, de la part d’un adolescent maladroit. Rien à voir avec les valeurs, normes et pratiques en vigueur au sein des ligues.

Pourtant, les « débordements » du genre n’en finissent plus de faire les manchettes. Assauts, voie de fait, violence conjugale, agressions sexuelles… Encore récemment, deux joueurs de l’équipe de hockey de l’Université d’Ottawa ont été accusés d’avoir agressé sexuellement une jeune femme lors d’un tournoi à Thunder Bay. Le dépôt de la plainte avait fait grand bruit. Et l’entraîneur de l’équipe s’était empressé de défendre ses joueurs becs et ongles, prévenant même qu’une sanction de la part des autorités universitaires serait extrêmement malvenue.

Cela fait curieusement échos à l’attitude du coach Uttley dans l’affaire Guimont-Mota. Au lieu de questionner sérieusement ce qui porte autant de joueurs à poser des gestes violents, on s’empresse plutôt de défendre les fautifs. On joue les pères bienveillants, qui ne veulent qu’aiguiller ces jeunes hommes qui peinent à exprimer sainement leur masculinité dans un monde sans repère. La culture sportive et ses institutions ne seraient pas problématiques, mais salvatrices. Un ancrage, un compas pour ceux qui y gravitent.

Pourtant, on y voit plutôt un terreau fertile à cultiver la « masculinité toxique » qui fomente les débordements. Nombreux sont les sociologues à s’être penchés sur la question. Au sein des équipes sportives, on inculque aux joueurs l’esprit de meute, à travers des rites axés sur l’expression d’une virilité exacerbée, l’hétéronormativité stricte, le machisme et la brutalité. C’est donc sans surprise que les « dérapages » pullulent. Démonstrations de violence extrême entre joueurs ou envers des tiers; sur le terrain de jeu comme ailleurs. Violence sexuelle et conjugale. Ces incidents sont si fréquents qu’on s’en surprend à peine lorsqu’ils font les manchettes.

Et trop souvent, les institutions qui chapeautent les équipes ne réagissent que si la crise de relations publiques devient insoutenable. Sinon, vaut mieux « régler ça à l’interne », avec des sanctions symboliques qui n’entravent surtout pas les performances de l’équipe.

Rappelons la récente affaire Ray Rice, le joueur des Ravens de Baltimore, qu’on a vu sur vidéo assommer sa fiancée dans l’ascenseur d’un hôtel d’Atlantic City, plus tôt cet automne. On l’a souligné à plusieurs reprises : si la vidéo n’avait pas été publiée, Rice aurait réintégré l’équipe après une suspension dérisoire de quelques matchs. Si le joueur a été suspendu définitivement, ce n’est pas parce que les autorités de la NFL ont spontanément décidé de prendre de front les problèmes de violence au sein des équipes, mais bien pour calmer la grogne populaire.

N’empêche, la médiatisation de l’affaire a au moins servi à entamer un réel dialogue quant à la nécessité de mettre un terme à la troublante indulgence dont font preuve les organisations sportives quant aux gestes de violence posés par leurs joueurs. Enfin, on a osé dire que l’omniprésence de la violence dans le monde du sport « de meute » est un enjeu d’intérêt public, qui interpelle une certaine conception malsaine et inquiétante de la masculinité.

Ainsi, McGill a sans doute réagi aussi fermement dans l’affaire Guimont-Mota parce qu’elle sentait la soupe chaude. Mais n’empêche que sa décision envoie un message clair. La violence, ne serait-ce que soupçonnée, c’est tolérance zéro. Et si l’entraineur Uttley a préféré manquer le bateau il ne restera qu’à lui dire : bon débarras!

Enfin, on ose rompre avec la culture d’impunité par rapport à la violence, qui règne dans le monde des sports d’équipe « ultravirils ».