Si cette révolte, qui s’appuyait sur des valeurs d’égalité entre les sexes et qui revendiquait une meilleure éducation et davantage de redistribution des richesses est désormais chose du passé, Zuo Zongtang y est pour quelque chose. De blessé en blessé, il a remonté le moral des troupes grâce à son poulet légèrement panné et nappé d’une sauce aigre-douce.

Le brave homme meurt en 1885, à l’âge de 73 ans. 73 ans, c’est vieux pour l’époque, surtout pour quelqu’un qui a dû engloutir des quantités importantes de ce fameux poulet qui porte son nom. En occident, on appelle Zuo Zongtang le général Tao.

Correction: En fait, le général Tao n’a jamais mangé de poulet général Tao, contrairement à ce que tente de nous faire croire Canoë. Toutefois, malgré l’embrouillement brillamment entretenu par l’Empire, il est tout de même possible de retracer les origines du petit poulet. Voici donc l’histoire de Mao, du chef Peng et du général Tao.

Un plat contre-révolutionnaire

Après la guerre civile chinoise de 1945-1949, les différents chefs cuisiniers associés à la cuisine nationaliste, comme presque tous ceux qui était associés aux nationalistes, fuient vers Taiwan. L’époque était propice à l’exécution de ceux qui pratiquaient la cuisine réactionnaire. Pendant que Mao devait s’atteler à la réflexion du Grand bon en avant, le chef Peng concocta alors un plat à base de poulet et de piments qu’il nomma en l’honneur du général Tao. Aujourd’hui, au prix de 6.99$ en trio, le poulet du général Tao peut se targuer d’être un plat populaire. L’histoire nous dit pourtant qu’à l’époque, ce n’était pas un plat approuvé par le Parti.

Il faut savoir que Mao, Peng et Zuo Zongtang sont tous originaires de la province de Hunan. Évidemment, c’est le grand Timonier et non Zuo Zongtang qui est considéré comme le plus grand guerrier de la région. Notre général, lui, arrive bon deuxième. Le chef Peng, a donc voulu, du moins c’est ce que je crois, démontrer toute son aversion pour l’auteur du Petit livre rouge en nommant expressément le général Tao comme ambassadeur du plat… Un coup fumant, surtout si l’on considère que les leaders communistes étaient aussi orgueilleux que sanglants.

De son côté, Mao avait comme plat favori le « porc rouge façon Mao » qui consiste tout simplement en une assiette de cubes de porc mijotés dans une sauce au vin sucré. Ironiquement, la sauce utilisée pour faire mijoter le porc de Mao ressemble beaucoup à la sauce du général Tao utilisée aujourd’hui…

Un plat assimilé par l’impérialisme

Sous le président Johnson (1963-1969), les États-Unis ont permis l’immigration en provenance de la Chine. Les nouveaux arrivants ont provoqué une explosion du nombre de restaurants chinois. Mais un peu comme ici, ils servaient presque tous la même chose : des plats s’inspirant de la cuisine sichuanaise. Deux chefs, retournent donc à Taiwan à la recherche de nouvelles idées. Ils tombent finalement sur le chef Peng et son général Tao.

Au lieu de conserver le plat d’origine, un sauté dans une sauce aigre piquante, les deux chefs décident de l’adapter au goût des États-Uniens. Quoi de mieux pour faire fureur chez les impérialistes que de composer un plat très gras et beaucoup plus sucré que dans sa version originale, qui est plutôt épicée. Ils enroberont le poulet d’une panure, qui sera frite et sautée dans une sauce sucrée. Les deux chefs serviront leur plat pour la première fois à New-York dans les années 70.

On le retrouve aujourd’hui dans la plupart des restaurants Thaïlandais, Vietnamiens et Chinois de Montréal… D’abord un plat « exotique », il relève aujourd’hui davantage du Fast Food que de la gastronomie, même si certains peuvent encore être très bons.

Pour en manger à Montréal je vous conseille :
Le Pho 21, sur Amherst, au coin de Maisonneuve (plus épicé avec un goût assez prononcé de gingembre)
Le Wok, sur Sainte-Catherine au coin de Saint-Mathieu (La dernière fois que j’y suis allé, le prix était de moins de 10$ avec une soupe, des légumes et du riz)