« Cela faisait plusieurs semaines que j’étais en réflexion par rapport à mon implication dans le NPD. Avant ma démission précipitée, je pensais simplement ne pas me représenter aux élections de 2015, parce le NPD ne coïncide plus avec mes valeurs », raconte Mme Hassainia.

Si la raison de son départ rapide est la position prise par le NPD dans les dernières semaines par rapport à l’offensive d’Israël dans la bande de Gaza, la jeune femme d’origine tunisienne attribue aussi ce dernier au manque de soutien qu’elle a senti au sein de son parti afin de concilier travail et famille.

Deux fois mère en l’espace de trois ans, Mme Hassainia n’a pas senti qu’elle était appuyée par le parti afin de concilier sa nouvelle vie de jeune mère et son travail de députée. Accusée d’absentéisme, elle répond : « le NPD a l’un des caucus les plus jeunes au Canada, et celui dans lequel il y a le plus de femmes. On prône des valeurs de conciliation travail-famille, mais dès que quelqu’un à l’interne doit concilier les deux, comme j’ai été amenée à le faire, c’est moins évident, surtout sans congé de maternité. Il faut appliquer les politiques que l’on défend à l’interne aussi. En tant que mère, j’ai dû faire des choix, j’ai donc sacrifié des heures de vote. J’ai été attaquée sur le fait que j’avais assisté à 22 votes sur 200, mais il s’agissait surtout de motions d’attribution de temps, des choses sans grande importance. Je referais la même chose si j’avais à recommencer », raconte la titulaire d’une maîtrise en langue française.

Perte de valeurs

C’est bien beau de dire qu’on veut la paix, mais il faut avoir le courage de ses valeurs, il faut les défendre. Ce n’est pas ce qu’est en train de faire le NPD.

Mme Hassainia a l’impression que le NPD prend un tournant qui l’éloigne de la sociale démocratie depuis l’élection de son nouveau chef, Thomas Mulcair, en 2012. Lors de la course à la chefferie, la députée de la Rive Sud de Montréal avait d’ailleurs fait volte-face en donnant son appui à Brian Topp plutôt qu’à M. Mulcair, notamment à cause de sa position sur le conflit israélo-palestinien. La femme de tête affirme que « pour un parti social-démocrate, ce n’est pas pertinent de dire qu’on est juste pour la paix et que l’on veut simplement que les deux partis s’assoient à la table de négociations. Ce n’est pas le rôle d’un parti de l’opposition officielle et social-démocrate d’avoir cette position. C’est bien beau de dire qu’on veut la paix, mais il faut avoir le courage de ses valeurs, il faut les défendre. Ce n’est pas ce qu’est en train de faire le NPD. Il est en train de noyer le poisson et pour moi, ce n’est pas honnête. »

Elle ajoute que cette position ne rejoint pas l’image d’un parti progressiste. « ll faut être de mauvaise foi pour dire que les opprimés sont les Israéliens dans le présent conflit. Des Israéliens meurent tous les jours, mais on se rend quand même compte qu’ils ont beaucoup plus de moyens que les Palestiniens et surtout, qu’ils ont le soutien des grands de ce monde. Si le NPD avait été un vrai parti social-démocrate au lieu de se centriser, voire même d’aller vers la droite, il se serait tenu debout pour décréter haut et fort ‘Israël a exagéré ces derniers temps et il faut arrêter ce massacre.’ »

Pour la députée de Verchères-Les-Patriotes, la position personnelle de M. Mulcair met mal à l’aise plusieurs anciens collègues. « J’ai l’impression que depuis l’élection de M. Mulcair en 2012, on n’ose pas affronter le chef. Quand Jack Layton était là, il y avait une ambiance de franche camaraderie dans le parti. Aujourd’hui, je pense que la famille est assez mal à l’aise parce qu’il y a des choses qui ne peuvent pas se dire, des points de vue qui ne peuvent pas être exprimés au sein du caucus. Sans vouloir donner de nom, des gens qui viennent de Québec solidaire, des gens qui soutiennent la cause palestinienne depuis des années, ne peuvent pas être d’accord avec la politique interne du NPD aujourd’hui. Ce n’est pas possible », explique la jeune femme. Elle croit que plusieurs députés attendent le scrutin de 2015 avant d’exprimer leur dissidence, craignant de compromettre leur réélection.

Mais j’ai encore le goût de me battre. J’ai encore envie de combattre les injustices, de dire tout haut ce que presque tout le monde pense tout bas.

Le NPD n’a pas répondu aux demandes d’entrevues de Ricochet. Mme Hassainia est la quatrième députée à quitter le caucus du NPD depuis la « vague orange » de 2011. Lise Saint-Denis s’est tourné vers le Parti libéral du Canada, Claude Patry a choisi le Bloc québécois, et Bruce Hyer, le Parti vert du Canada. Mme Hassainia n’a pas encore pris de décision par rapport à son avenir politique. « Si je décide de me représenter en 2015, c’est sûr que ce sera sous la bannière d’un parti qui défend toutes ses valeurs, ou, en tout cas, les miennes. Si je ne trouve pas ce parti, je me représenterai peut-être en tant qu’indépendante, ou alors j’irai faire de la politique différemment, peut-être au provincial ou au municipal. Peut-être que je m’engagerai dans une cause humanitaire. Mais j’ai encore le goût de me battre. J’ai encore envie de combattre les injustices, de dire tout haut ce que presque tout le monde pense tout bas », affirme la politicienne.

Aucun député néo-démocrate ne s’est exprimé sur le départ de Mme Hassainia. Elle n’en est pas étonnée. « Ça me rappelle exactement la problématique du parti. Stratégiquement, on est mieux de se taire, parce qu’on veut continuer en politique, et on sait que Mulcair est un cheval gagnant en 2015, donc on préfère ne rien dire. Je suis certaine, sans nommer de noms, qu’il y a au moins une dizaine de députés qui sont de mon côté, et qui sont d’accord avec ce que je pense et défends. Et je suis certaine qu’il y en a plus. En fait, j’ose l’espérer, parce qu’il serait triste que la majorité des députés du NPD aient finalement des valeurs de droite. Tant qu’à ça, allez plutôt chez les conservateurs et les libéraux », conclut l’ex-députée du NPD, qui terminera son mandat en tant qu’indépendante.