Écartons tout de suite les libéraux de Justin Trudeau, dont l’écran de fumée de cannabis ne devrait pas faire oublier son préjugé favorable aux sables bitumineux, ou ses postulats économiques néolibéraux. Rappelons que c’est le même parti qui, au nom de l’équilibre budgétaire, dans les années 1990, a procédé à certaines des coupures les plus drastiques dans les programmes publics, en plus des privatisations de sociétés telles que le CN – continuant ainsi le travail entamé sous les progressistes-conservateurs de Mulroney.

L’indépendantiste aura tôt fait de se replier vers le Bloc québécois. On aura beau mettre de côté les problèmes de cohésion que connaît le parti depuis l’élection surprise de Mario Beaulieu, de même que le fait qu’il risque qu’aucun de ses députés actuels ne se représente lors du prochain scrutin, l’option bloquiste demeure problématique.

Il y a une contradiction fondamentale à réclamer, d’une part, que le peuple québécois soit le maître des décisions quant à son avenir et à envoyer, d’autre part, des député-e-s à la Chambre des Communes du pays dont on veut faire sécession. Si l’indépendance doit se faire au Québec, pourquoi s’alourdir d’une structure dont la fonction même en tant que parti ne trouve sa justification que dans le cadre fédéral? De plus, la grande frilosité de Beaulieu à reconnaître Québec solidaire, seul parti ouvertement de gauche et indépendantiste sur la scène provinciale, comme faisant partie des forces souverainistes, en dit long sur la volonté de ce nouveau chef à parler aux progressistes.

Autre mauvais signal : Mulcair a affirmé avoir voté pour le PLQ de Philippe Couillard à l’élection de 2014.

Une grande partie de la population québécoise (moi y compris) a plutôt opté pour le NPD lors de l’élection de 2011. Cependant, l’accès au statut d’opposition officielle de Sa Majesté, et le recentrage du parti amorcé sous Jack Layton et accéléré sous Thomas Mulcair semblent avoir éloigné le parti de son ancrage historique syndical et socialiste. Ainsi, le NPD en «mulcairification» a eu tout le mal du monde à articuler une position cohérente au sujet de l’agression israélienne à Gaza. Il aura fallu une fronde de l’aile jeunesse pour que le chef se résigne à nuancer sa position, qui à l’origine, ressemblait à s’y méprendre à celle de Stephen Harper. Autre mauvais signal : Mulcair a affirmé avoir voté pour le PLQ de Philippe Couillard à l’élection de 2014.

Cela n’augure rien de bon pour quiconque a la moindre mémoire de ce que ce même parti a réservé comme sort au plus grand mouvement social de l’histoire récente, québécoise et canadienne confondues. Un brusque rappel du fait que le même homme a été ministre sous Jean Charest. Si le chef en mène aussi large alors qu’il est dans l’opposition, pourquoi devrait-on croire qu’il en serait autrement si le parti prenait le pouvoir?

Il est improbable qu’une alternative organisée émerge – et surtout, de mon point de vue, une alternative sensible à la question québécoise.

À la vue de tous ces problèmes avec le NPD, on voudrait croire que la gauche canadienne-anglaise serait prête pour son moment d’« Union des forces progressistes », mais aucun signe tangible ne s’est manifesté en ce sens (il faudrait d’abord que les socialistes au sein du NPD renoncent à la dissonance cognitive). Et à un an du prochain scrutin, il est improbable qu’une alternative organisée émerge – et surtout, de mon point de vue, une alternative sensible à la question québécoise.

On nous ressortira l’exemple espagnol, Podemos, un parti-mouvement fondé en quelques mois à peine et qui a réussi à obtenir une part importante des votes lors du dernier scrutin européen. Mais ce parti est né de circonstances bien propres aux pays du Sud de l’Europe en proie à l’austérité la plus dure. Le Canada, à ce moment-ci, n’a rien connu qui se mesure à la lutte populaire qui a lieu en Espagne depuis 2011. Le Canada n’a pas de Puerta del Sol!

Alors, quoi faire? Ni le Bloc, par incohérence, ni le NPD, par fatigue avec le recentrage opéré par la direction du parti. Il y a toujours les bons vieux partis communistes, dont l’esthétique et le discours semblent s’être cristallisés au début des années 1980 – et dont la raison de la division échappe à une majorité toujours plus grande de la population. Mais ces deux frères ennemis n’ont pas su démontrer leur pertinence depuis quelques lustres. Tout au plus, ce pourrait être un vote de protestation, disons, coloré.

J’ai jadis signé, ailleurs, un billet où je suggérais, à la blague, de voter Néorhino. Cette option me semble chaque jour de moins en moins fantaisiste.